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D'aprés SIC, décembre 1997
Didier Cahen: les 7 attraits del'Euro Jean-Claude Trichet: l'Euro enfinexpliqué simplement Philippe Citerne: desopportunités à saisir |
Le gouverneur de la Banque de France, le directeurdélégué de la SociétéGénérale, le PDG d'Havas, deux économistesémérites: pour convaincre la profession que l'enjeu del'Euro dépasse largement les seuls problèmes techniquesdu passage à la monnaie unique, le Congrès mondial dela Comptabilité à Paris avait invité fin octobre1997, les plus éminents avocats.
En ouvrant le Forum, "L"Euro...pe, 1er marché mondial"animé par William Nahum devant une salle comble, RenéRicol, président de l'Ordre, a voulu d'abord poser un acte defoi: "Nous croyons, a-t-il affirmé, à lanécessité de réaliser l'Euro et de leréaliser à la date prévue".
"Il y aura, bien sûr, des problèmes de"mécanique", a-t-il précisé. Mais on saurarégler ces problèmes techniques. Le vraiproblème est ailleurs. Il est de prendre ce dossier sous sonangle stratégique. Et là, nous et les entreprises, nesommes peut-être pas assez préparés.
"L'Euro, les professionnels et les entreprises n'en ontpeut-être pas encore assez conscience: c'est dans moins de 400jours! Et il s'agira du plus grand changement des temps modernes, aestimé Didier Cahen, économiste, auteur du livre"L"Euro 1997-1999, le temps des préparatifs". A vrai dire,avec la fusion de quinze monnaies en une seule, c'est même unévénement sans précédent dansl'histoire".
D. Cahen: les 7 attraits de l'Euro
Challenge difficile, donc, mais dont Didier Cahen estime qu'ilprésente d'énormes attraits:
1 - il s'agit d'abord d'un complémentfondamental du marché unique qui marque la fin du risque dechange à l'intérieur de l'Union et constitue donc unimportant facteur de stabilité.
2 - il va apporter une somme importante de simplifications auxcitoyens et aux entreprises.
3 - il va assurer la transparence des prix et donc stimuler laconcurrence et les échanges.
4 - il apporte grâce aux critères de convergence,l'assurance d'une gestion saine des comptes publics.
5 - il donne naissance à un vaste marchéeuropéen des capitaux
6- il va créer une monnaie reconnue capable de concurrencerle yen et le dollar
7- Il rend enfin l'Europe visible pour les citoyens. L'Euro est unattribut de la citoyenneté européenne.
Or, le calendrier pour ces évolutions considérablesest tout proche: début mai 98 (dans 6 mois!) pour le choix despays participants et le gel des parités, 4 janvier 1999 (dansmoins de 400 jours) pour l'entrée en vigueur de l'Euro,Janvier 2002 pour la mise en circulation des pièces et desbillets.
Jean-Claude Trichet: l'Euro enfinexpliqué simplement
Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France s'estréjoui de constater qu'après avoir fait preuve descepticisme, les Américains ne demandent plus maintenant"pourquoi" et "quand" l'Euro, mais "comment". Une manière dereconnaître le caractère irréversible de lavolonté des Européens de parvenir au but.
Ceci n'a cependant pas empêché Jean-Claude Trichet derevenir à la question du "pourquoi" pour une explication quirendait tout d'un coup les mécanismes de Maastricht beaucoupmoins dogmatiques que ce que l'on a l'habitude d'entendre.
Tout d'abord, selon M. Trichet, l'Euro est le parachèvementnormal du marché unique. On n'imagine pas le marchéunique américain avec plusieurs monnaies àl'intérieur des Etats-Unis. L'Europe n'échappe donc pasà la règle.
"Mais, a expliqué le gouverneur de la Banque de France,à la différence des Etats-Unis, les Européensn'ont pas de budget fédéral. Et c'est ce qui justifiele Pacte de stabilité et de croissance conclu entre lesQuinze. Par ce Pacte, les Européens coordonnent leurspolitiques budgétaires et créent ainsi une somme debudgets nationaux qui sont l'équivalent d'un budgetfédéral, évitant des divergenceséconomiques et garantissant une résistance aux chocsasymétriques".
Ensuite, bien sûr, se pose le problème de lasolidité de la monnaie unique. Là, M. Trichet expliqueégalement que les Européens n'ont pas choisi la rigueurpour la rigueur mais tout simplement utilisé une technique queles entreprises utilisent sous le nom de "benchmarking" ou"étalonnage", c'est à dire l'alignement, pour chaquecritère, sur les meilleurs de la classe.
"C'est l'intérêt de tous les Européens que des'étalonner sur les meilleurs. Pour les meilleurs, car ilsn'accepteraient pas de "baisser de niveau". Pour les moins bons parceque ceci leur permet de progresser", a dit M. Trichet avant deconclure, lui aussi, que, plus que techniques, les enjeux de lamonnaie unique pour les entreprises sont avant toutstratégiques.
Philippe Citerne: des opportunitésà saisir
Sur ce thème de la stratégie, Philippe Citerne,directeur général délégué de laSociété Générale, explique trèsclairement que, lorsque sa banque a connu la date d'entrée envigueur de l'Euro, elle a , comme tout le monde, tout d'abordestimé les coûts: 40.000 programmes informatiquesà changer, 100.000 journées/homme de travail, 500MFdéjà provisionnés pour un coût totalestimé à un milliard.
Mais, sitôt ce premier constat fait, un deuxièmes'impose: "A 5 ou 10 ans, l'Euro élargit nos marchés etoffre de réelles opportunités commerciales pour nous etpour nos clients. J'ai donc un coût instantané, mais deschances nouvelles de me développer".
Si le passage technique à la monnaie unique n'est "pas unproblème industriel à négliger", PhilippeCiterne estime donc que les vrais enjeux sont ailleurs. Desactivités vont disparaître, d'autres vont serévéler plus concurrentielles, des règles du jeuvont changer (exemple: la rémunération des comptes etle paiement des chèques que les marchés imposerontmême si les gouvernants ne le font pas, ou la question des tauxadministrés).
"Nous avons donc, explique Philippe Citerne,réfléchi sur ces problèmes etdécidé de partager nos réflexions dans unpremier temps avec 200 grandes entreprises clientes, et maintenantavec 10.000 PME à qui on dit: "Avez vous pensé àceci ou à cela?"
"Car le premier réflexe dans les entreprises est biensûr de confier le dossier Euro au directeur financier. Pourtantles choses ne sont pas aussi simples. Les fonctions achats,logistique et même ressources humaines seront concernéespar l'Euro. C'est donc toute la stratégie de l'entreprise quiest en question".
Avec l'Euro et les comparaisons de prix et de coûts quiseront faciles, la question qui se posera , c'est où vais-jeimplanter telle usine? ou, pour nous, où vais-je installer monback-office en fonction des coûts dans les différentspays...."
Le groupe Havas, que préside Pierre Dauzier réalise96% de son chiffre d'affaires en Europe (59% en France). Autant direqu'il est directement concerné par l'Euro. Pierre Dauzier yvoit des avantages de transparence et de stabilité trèsimportants pour des activités comme celle d'Havas dont lesproduits ont une très haute sensibilité.
Pourtant, Pierre Dauzier souhaiterait que la monnaie uniques'accompagne de règles fiscales et sociales , sinon uniques,du moins normalisées. Ce qui est loin d'être le casactuellement. "Au contraire, a-t-il dit. Quand on voit qu'en Franceon ne parle plus de l'euro, mais ... des 35 heures payées 39,où sera notre compétitivité dans unmarché unique?", demande-t-il.
Même méfiance également vis-à-vis desBritanniques "qui ne sont ni au dedans ni au dehors de la monnaieunique" et vont temporiser jusqu'en 2002 avant de déciders'ils adhèrent ou non. En attendant, Pierre Dauzier ne cachepas qu'il est obligé de tenir compte des différences deréglementation entre pays:
"Nous ne recrutons plus nos cadres de haut niveau que sur Londres,dit-il. Là-bas, les règles fiscales et sociales leurpermettent de disposer d'un pouvoir d'achat supérieur de 30%par rapport à Paris...
Ch. de Boissieu: ne pas rêver dedétrôner le dollar
Christian de Boissieu, professeur à Paris I et directeurscientifique du Centre d'Observation économique, ne croit pas,comme certains en rêvent, que l'euro va détrôner,d'un coup, le dollar.
"Il faut prendre en compte les rapports de force, explique-t-il.Aujourd'hui, le dollar représente 40% des facturations dans lemonde. Le deutschemark, second, n'est qu'à 10%. Pour lesréserves de change, l'écart est encore plusspectaculaire : 65% pour le dollar, 14% pour le deutschemark.
La question pour les Européens n'est enréalité pas de savoir s'ils vont créer un eurofort: il n'y aura plus de fluctuations de change àl'intérieur de l'Europe, mais il y en aura encore avec lereste du monde. Dans un sens ou dans l'autre, selon lesévénements. Ce qui compte, c'est que nous construisionsun euro crédible. Et c'est cela qui permettra à cettenouvelle monnaie de conquérir, petit à petit, des partsde marché."
Missions d'aide au passage àl'Euro
Au sein du village, le congrès proposait également,sur le même sujet, un atelier animé par Philippe Arraou,expert-comptable et président de la fédérationeuropéenne EFAA, ainsi que Régis de Brebisson,expert-comptable, sur les missions d'aide au passage à l'Euroauprès des PME, considéré comme "un atout pourrepositionner le cabinet auprès des entrprises".