La Commission de Bruxelles a exprimé le souhait deneutraliser au maximum les effets du passage à la monnaieunique. La question se pose alors de savoir si lesconséquences fiscales du passage à la monnaie uniqueseront le résultat des choix juridiques et comptables ou si,au contraire, il existe des impacts autonomes résultant del'application des règles fiscales.
Le passage à la monnaie unique devra s'accompagner demesures destinées à harmoniser les régimesfiscaux entre les différents pays de la Communauté etde prévoir des modalités de passage afin que latransition se fasse dans les conditions les plus harmonieusespossibles.
De même, il conviendrait de surveiller les points sensiblesqui seraient susceptibles de générer des distorsions deconcurrence ou de soulever des difficultés d'application.
La question de l'harmonisation des conditions de passage àla monnaie unique se pose tant au plan international qu'au planinterne.
I.1- L'harmonisation desrégimes fiscaux au plan international
Le passage à la monnaie unique devrait avoir pourconséquence de renforcer le processus d'harmonisation desrégimes fiscaux des pays européens. Lesconséquences pourraient être :
- à court terme, en raison du coûtgénéré par le passage lui-même ;
- à long terme en raison du renforcement du rôle dela politique fiscale dans chaque pays de la Communauté et desrisques de délocalisation que ceci engendrerait.
a) Les effets à court terme liés au traitementfiscal du passage à l'euro
A court terme, cette harmonisation devrait se traduire par untraitement fiscal indifférencié des dépensesliées au passage à l'euro. En effet, toutedifférence serait susceptible de générer desdistorsions de concurrence entre les entreprises desdifférents pays de la Communauté.
Ceci peut être mis en évidence par lesconséquences qu'un traitement fiscal, différent d'unpays de la Communauté à l'autre, des dépensesliées au passage à l'euro, pourrait avoir sur lerésultat fiscal d'une entreprise française soumise aurégime du bénéfice mondial ou consolidé.
Dans le cadre du régime du bénéficeconsolidé, le mécanisme de reconstitution« à la française » desrésultats des sociétés étrangèresest susceptible d'entraîner des conséquences soitpositives, soit négatives pour le groupe, dès lors quela société étrangère fait partie de laCommunauté.
Elles pourraient être positives si lesrègles françaises s'avéraient plus favorablesque les règles étrangères. Elles pourraientêtre négatives si les règles françaisess'avéraient plus défavorables que les règlesétrangères.
b) Le renforcement du rôle de la politique fiscale et lesrisques de délocalisation
Le treizième rapport du Conseil des impôts asouligné l'effet de la pression du marché sur laconvergence de la fiscalité en europe. Celle-ci pousseà un alignement de la fiscalité vers le bas, au risquede réduire excessivement les moyens d'action des pouvoirspublics. L'effacement des frontières encourage lesdélocalisations financières vers les pays les plusattractifs.
Le passage à la monnaie unique nécessiteral'élimination des distorsions de concurrencecréées par la non-harmonisation des régimesfiscaux. En effet, le passage entraînera la disparition d'unoutil de politique macro-économique.
Les Etats membres n'étant plus libres de leur politiquemonétaire (suppression des possibilités de flottementde la monnaie, de dévaluations compétitives, ...), latentation sera grande, pour certains pays, d'utiliser l'arme fiscale(dumping fiscal).
I.2- Harmonisation des modalitésdu passage au plan interne
Le passage à la monnaie unique devrait s'effectuer dans lesconditions les plus harmonieuses possibles tant pour les entreprisesque pour les administrations. Dès lors, il convientd'envisager :
- les conséquences matérielles dupassage à l'euro,
- l'attitude de l'administration face aux éventuelscontrôles fiscaux.
a) Les conséquences matérielles du passage àl'euro
Les conséquences matérielles et financièresde la conversion du Franc en euro seront importantes pourl'administration :
- actualisation des modèles dedéclarations fiscales,
- modification des textes législatifs,réglementaires et doctrinaux.
Il conviendra de déterminer des pratiques claires pour lesentreprises tant au niveau des déclarations que des paiements.
b) L'attitude de l'administration face aux éventuelscontrôles fiscaux.
Des erreurs ou des omissions dans la comptabilitépourraient être nombreuses lors de la phase B, notamment dansles PME. A cet égard, il serait souhaitable d'adopter uneattitude bienveillante, hormis les cas de fraude manifeste.
Par ailleurs, il conviendrait de confirmer le sort fiscal,après l'année 2002, des redressements fiscaux sur lesannées antérieures à 1999.
Les problèmes spécifiques liés au passageà la monnaie unique peuvent être analysés auregard :
- des impôts directs,
- de la taxe sur la valeur ajoutée.
II.1 - Les conséquences enmatière d'impôts directs
En matière d'impôts directs, il conviendrait depréciser les conséquences fiscales :
- des effets du gel des parités, le 4 janvier1999, et du remplacement, le 1er janvier 2002, des monnaiesnationales en euro ;
- des dépenses liées au passage à l'euro etdes déficits générés par cesdépenses.
a) Les effets du gel des parités et du remplacement desmonnaies nationales en euro
Des gains et pertes de change apparaîtront lors de lafixation irrévocable des taux de change entre lesdifférentes monnaies de l'Union européenne concernantles dettes et les créances ainsi que les immobilisations. Destraitements fiscaux différents selon les pays de l'Unionseraient susceptibles de créer des distorsions de concurrence.
En ce qui concerne les opérations de couverture de change,l'imposition des produits est reportée au dénouementdes contrats. Il conviendra de préciser le sort des contratsse poursuivant après fixation des parités.
Lors de la conversion Francs/euro en 2 002, il conviendra depréciser le traitement fiscal qui sera appliqué :
- aux entreprises qui clôtureront leurs comptesen cours d'année, notamment les entreprises du régimeagricole ;
- de l'écart généré par la conversionFrancs/euro ;
- du calcul des plus ou moins-values de cession de titres enraison de l'arrondi du poste capital (la division du capital par lenombre d'actions ne sera plus un nombre entier).
b) Le sort fiscal des dépenses liées au passageà l'euro
Le passage à l'euro aura des conséquencesfinancières pour les entreprises de la Communauté. Untraitement fiscal différencié selon les Etats seraitsusceptible d'engendrer des distorsions de concurrence.
A cet égard, il convient de s'interroger sur laqualification qui sera retenue pour les dépenses liéesau passage (adaptations des systèmes comptables et de gestionet d'organisation, du management, etc.).
Certaines dépenses devraient êtreconsidérées comme des charges, d'autres comme desimmobilisations, le droit commun s'appliquant en la matière.Toutefois, à titre d'exemple, l'administration devrapréciser les conséquences fiscales des travauxexigés pour l'adaptation machines utilisant des piècesou des billets.
Si ces dépenses sont considérées comme desimmobilisations, le mode et les durées d'amortissement quileur seraient éventuellement applicables devraient êtreprécisés. Par ailleurs, l'enregistrement de cesdépenses en immobilisations aurait pour conséquence demajorer les bases de la taxe professionnelle de ces entreprises.
Si ces dépenses sont considérées comme descharges, il conviendrait de préciser :
- les conditions de déductibilité deséventuelles provisions qui seraient comptabilisées ;
- les possibilités d'étalement de ces charges dansle temps.
Pour être déductible fiscalement, une provision doitremplir, notamment, les conditions suivantes :
- la provision doit être destinéeà faire face à une charge déductible ;
- la perte ou la charge doit être nettementprécisée (utilisation de données statistiquespossible) ;
- la perte ou la charge doit être probable ;
- la perte ou la charge doit résulterd'événements en cours.
Sur ces deux derniers points, la difficulté va exister,notamment pour les entreprises du secteur financier et leurssous-traitants, qui se verront obligés, à la demandedes Pouvoirs publics, d'anticiper dans leurs décisions unévénement probable mais pas certain.
Pour les autres entreprises, il semble normal de prendre en comptela date d'établissement de la liste des pays admis dans lesystème de la Monnaie unique, soit au plus tard au premiertrimestre 1998.
Enfin, les dépenses liées au passage à lamonnaie unique peuvent avoir une incidence sur le mécanisme deplafonnement à la valeur ajoutée en matière detaxe professionnelle.
c) Le sort fiscal des déficits généréspar les dépenses liées au passage à l'euro
Le passage à la monnaie unique va entraîner unebaisse d'activité de certains agents économiques,notamment ceux qui interviennent dans le métier des changes.Corrélativement à cette baisse d'activité, lepassage va engendrer des coûts de restructurations dontcertaines auront un coût définitif.
Dans ce cas de figure, il convient de déterminer lerégime fiscal des déficits fiscaux (déficitsordinaires et amortissements réputésdifférés) qui seraient générés parla baisse d'activité et les coûts de restructuration etnotamment de :
- la perte du droit au report des déficitsfiscaux en cas de fusion ou en cas de changement d'activité ;
- la "banalisation" des amortissements réputésdifférés en cas de fusion ou de transfertd'activité.
d) Les effets indirects dans le cadre de l'intégrationfiscale
Si une société venait à supporter des chargesinhérentes au passage à l'euro, le fait qu'elle soitintégrée comporterait des avantages, notamment enraison de la possibilité de compensation des résultatsentre sociétés d'un groupe intégré.
Cependant, le passage à l'euro pourrait avoir desconséquences indirectes négatives dans le cadre durégime de l'intégration fiscale, notamment en raisondes rectifications d'intégration fiscale qui se traduisent parla neutralisation des provisions intragoupe et des abandons decréances entre sociétés du groupe.
Ces effets ne sont pas spécifiques au passage àl'euro, mais pourraient survenir, dans certains cas de figure, dufait de cette neutralisation.
L'exemple suivant illustre les effets indirects de laneutralisation des provisions intragroupe :
- au niveau d'une filiale : constatation d'uneprovision pour charges (liée à des dépenses depassage à l'euro) admise sur le plan comptable mais nondéductible fiscalement en raison d'une dispositionlégale applicable à cette date ;
- au niveau de la société mère : en raison del'enregistrement de cette provision par la filiale, constitutiond'une provision pour dépréciation des titres de lafiliale ou pour risques et charges, la filiale étant devenuedéficitaire.
L'application du régime de l'intégrationentraîne la neutralisation de la provision pourdépréciation intragroupe qui a étédotée par la société mère.
L'application du régime de l'intégration fiscalen'est pas neutre par rapport au régime de droit commun quin'entraînerait pas la neutralisation de la dotation.
Par ailleurs, le régime de l'intégration fiscalerisque d'entraîner une double pénalisation lors de lasortie de la filiale du périmètre d'intégration.En effet, la sortie de groupe entraîne la reprise de laprovision intragroupe (pour dépréciation des titres oupour risques et charges), même si les dotations aux provisionsont été neutralisées initialement.
De la même manière, le passage à l'euro peutentraîner des abandons de créances entresociétés d'un même groupe. Il sera difficile dedéfinir le caractère de cet abandon au regard de ladichotomie entre abandon de créance à caractèrecommercial ou financier.
e) Les conséquences en matière de taxeprofessionnelle
Ainsi qu'il a été précisé plus haut,le passage à la monnaie unique aura une incidence enmatière de taxe professionnelle tant au niveau des bases quede celui du plafonnement à la valeur ajoutée.
Des difficultés pourront survenir pour :
- les redevables partiels astreints au calcul d'unprorata, notamment les banques, les compagnies d'assurance et lesassociations ;
- les redevables de la TVA sur la marge ;
- les opérations pour lesquelles le faitgénérateur est antérieur à la fixationdes parités et l'exigibilité postérieure;
- les entreprises au réel simplifié.
a) Les redevables partiels
Les redevables partiels doivent calculer un prorata dedéduction afin de déterminer le droit àdéduction de TVA. A cet égard, le secteur bancaire etfinancier sera l'un des acteurs principaux du passage à lamonnaie unique. Il devra faire face aux dépenses les pluslourdes pour adapter ses systèmes comptables, sessystèmes d'information et d'organisation.
Ces dépenses entrent dans le champ d'application de la TVA.Les redevables partiels (notamment les banques) sont soumis àla règle du prorata et ne pourront donc déduire qu'unepartie de la TVA qui leur sera facturée.
Deux conséquences en découlent :
- sur le plan interne, le prorata de chaque redevablepartiel (banque et assurance) étant déterminé enfonction de son activité, le coût du passage à lamonnaie unique dépendra en partie de son activité ;
- sur le plan externe, le prorata n'étant pascalculé avec les mêmes méthodes dans lesdifférents pays de la Communauté, la déductionpartielle entraînera des distorsions de concurrence.
Le premier effet du passage à la monnaie unique serait doncune distorsion de concurrence entre les opérateurs redevablespartiels du secteur bancaire et financier des différentsEtats.
Il conviendrait d'examiner s'il ne serait pas opportun depermettre une déduction intégrale de la TVA sur lesdépenses liées au passage à la monnaie unique.Dans cette perspective, on pourrait envisager l'existence d'unsecteur d'activité distinct temporaire.
b) Les redevables de la TVA sur la marge
Pour les redevables de la TVA sur la marge (antiquaires,négociants en véhicules d'occasion, marchands de biens,agences de voyages), les achats sont souvent enregistréesplusieurs années avant la vente.
Il conviendrait de préciser le sort fiscal des achats auregard de la TVA, notamment sur le point de savoir s'il devraêtre tenu compte des parités.
c) Les achats en franchise
Les entreprises ont la faculté d'acquérir enfranchise de TVA, dans la limite d'un contingent annuel, les biensainsi que les services portant sur des biens acquis en France ou dansla Communauté européenne ou importés qu'ilsdestinent à faire l'objet, en l'état ou aprèstransformation :
- d'une livraison intracommunautaireexonérée ;
- d'une livraison à l'exportation ;
- d'une vente à distance.
Il conviendrait de préciser sur quelle base se fera lecalcul du contingent.
d) Les redevables soumis à un régimesimplifié d'imposition
Les redevables soumis au régime simplifié sont tenusde déposer une déclaration trimestrielle de TVA (oumensuellement sur option). Ces déclarations s'accompagnent deversements calculés de façon semi-forfaitaire qui fontensuite l'objet d'une régularisation annuelle lors dudépôt de la déclaration récapitulative CA4. Il conviendrait de déterminer le sort fiscal de cesrégularisations.
Afin de manifester clairement l'option exercée parl'entreprise lorsqu'elle entend utiliser l'euro pour sacomptabilité, il peut être souhaitable de prévoirsur la déclaration fiscale de l'année n - 1 une caseà cocher.