En matière juridique, et notamment en droit des affaires etdroit des sociétés, le groupe de travail arelevé un certain nombre de questions découlantnotamment de l'incertitude qui pèse sur le statut juridique del'euro pendant la période de transition. Le Règlementqui doit intervenir pour la mise en oeuvre du Traité n'est eneffet pas encore arrêté.
Pourtant, entre le 1er janvier 1999, date de fixation de laparité franc/euro, et le 1er janvier 2002, date àlaquelle les monnaies nationales seront définitivementremplacés par des euros, les conséquences de lasolution choisie ne seront pas neutres.
Trois éventualités se présentent :
I.1. Les monnaies nationales demeurent les seulesmonnaies officielles des Etats membres jusqu'à la fin de lapériode transitoire. L'euro peut toutefois êtreutilisé dans un cadre contractuel ; il bénéficied'un statut monétaire limité.
I.2. L'euro et les monnaies nationales coexistent avec un statutjuridique équivalent dans un système de dualismemonétaire.
I.3. L'euro est investi du statut de monnaie officielle dèsle 1er janvier 1999, il a seul cours légal, les monnaiesnationales devenant les expressions nationales de l'euro (billets etpièces en francs peuvent continuer à circuler).
On voit que les deux premières solutions instituent deuxmonnaies différentes avec un statut différent (1.) ouéquivalent (2.). Pour des raisons qu'on perçoitaisément, le système bancaire est réticentà leur égard.
Il privilégie la dernière solution quiétablit un lien juridique entre la monnaie nationale et l'euro(ce sont en fait sont les deux expressions d'une même monnaie)et permet d'affirmer le caractère irrévocable etirréversible (cf. incidences en matière comptable) duprocessus de remplacement de l'une par l'autre.
Cette solution a en outre l'avantage de traduire, dès le1er janvier 1999, la réalité économiqued'intégration, en remplaçant la monnaie nationale parl'euro, celle-là subsistant toutefois pour les besoins de lamise en oeuvre concrète du passage tant que tous les signesmonétaires de l'euro ne sont pas disponibles. Lesproblèmes liés à l'opposabilité de laconversion seront ainsi résolus.
La conversion en euros du capital social posera desproblèmes d'arrondis ; il faudra veiller à ce quel'arrondissement ne modifie pas les équilibres entre lesassociés. La solution s'apparente au traitement des« rompus », avec éventuellementsuppression par l'AGE du droit de négocier les rompus(remboursement en espèces), ou rachat par lasociété des parts ou actions excédentaires.
Pour la conversion du capital social, il conviendrait de partir dela conversion du nominal de la part ou de l'action et d'imputer surla réserve légale l'écart constaté sur lemontant global du capital.
A titre d'exemple, voici le cas d'une S.A. au capital de 250 000F, composé de 2 500 actions de 100 F
Hypothèse de parité euro/franc au 1er janvier 1999 :1 euro = 6,42521 F
Montant converti du capital : 250 000 / 6,42521 = 38 909,234095...E
Valeur nominale de l'action convertie : 100 F / 6,42521 = 15,56369...E
Valeur nominale arrondie à 15,57 E x 2 500 = 38 925 E
La différence entre 38 925 E et 38 909,23 E (ou 38 909,24E, selon les règles d'arrondissement) est imputée surla réserve légale.
Même problème pour la libération du capital,qui peut être réalisée par fractions dans les SA: il serait utile de prévoir dès maintenant desmodalités de libération tenant compte du basculement,pour les sociétés qui vont se créer dans lesannées 1996 à 2001 (imputation sur la réservelégale de l'écart entre le premier quartlibéré en francs et les autres libérés eneuros).
D'une façon générale, il convient derecommander aux sociétés qui se créent deprévoir dans leurs statuts des dispositions permettant laconversion « automatique » en euros des montantsen francs. Idem pour les sociétés anciennes qui peuventprévoir des modifications de leurs statuts dans le mêmesens à faire ratifier par leurs prochaines assembléesgénérales
Les formalités de modification, si elles doivent êtreaccomplies dans les formes actuellement prescrites par la loi du 24juillet 1996 (publication, inscription modificative au Greffe),provoqueront des « embouteillages »: àmoins de dispenser les entreprises d'effectuer ces formalités,il serait au moins nécessaire de leur accorder un délaiassez important. Il est rappelé que la conversion en« nouveaux francs » n'avait pas donné lieuà publication.
Le groupe de travail propose que soient dispensées deformalités les sociétés qui se bornerontà convertir exactement (aux arrondis près) leurscapital et valeur nominale, cette conversion n'étant pas lerésultat d'une décision de l'assembléegénérale, mais bien une stricte application de la loi.
En revanche, si les seuils minimaux étaientaugmentés par la loi, il conviendrait alors de laisser auxsociétés un délai analogue à celui qui aété octroyé lors du passage pour les SARL d'uncapital minimum de 20 000 F à 50 000 F (cinq ans expirantle 31 mars 1989, prolongé jusqu'au 31 décembre 1991).
En ce qui concerne les autres seuils, il conviendra devérifier que leur conversion n'aboutisse pas à inverserla situation des personnes concernées : désignation descommissaires aux comptes ou des commissaires aux apports, obligationd'établir des documents financiers et des comptesprévisionnels, vérification en cas d'acquisition d'unbien à un actionnaire représentant le dixième ducapital, conditions de majorité pour la transformation d'uneSARL en SA lorsque le montant des capitaux propres excède 5000 000 F, protection des actionnaires minoritaires, etc...
Il pourra arriver que des dividendes votés en francs soientpayés en euros. Il conviendrait alors que lesrésolutions de l'Assemblée Généraleprévoient le cas et fixent le sort des arrondis en lesaffectant au compte de report à nouveau.
A l'inverse des dividendes, qui relèvent du droit dessociétés, il semble que le marché obligataire,qui relève du droit civil, puisse limiter les écartssur remboursements en euros d'obligations émises en francs, entraitant ces remboursements par créance et non par titre.
Le changement de monnaie de référence pourrait avoirsur les contrats des effets qui se prolongeront, au-delà de laseule période de transition 1999-2002.
Du fait du principe universel de l'exécution des contratsen application de la loi monétaire choisie par lescontractants, la continuité des contrats n'apparaît paspouvoir être mise en cause, la loi monétaireeuropéenne venant se substituer naturellement à la loimonétaire de chacun des Etats membres. Si les parties ont lechoix de la monnaie dans laquelle le contrat doit êtreexécuté, la loi monétaire applicable aurèglement est bien celle en vigueur à la date de cepaiement.
De même, le passage à la monnaie unique estconçu comme ne devant entraîner ni appréciationni dépréciation de la monnaie nationale ; une rupturede l'équilibre financier du contrat ne pourrait êtreinvoquée. Enfin, compte tenu des circonstances, lathéorie de l'imprévision ne paraît pas davantagepouvoir être invoquée.
Il n'en reste pas moins que l'insertion de certaines clauses peutêtre recommandée, notamment celle relative auxstipulations de taux d'intérêts ou d'indices variablescalculés d'après des référencesnationales qui peuvent avoir disparu avec le passage à lamonnaie unique. Une telle clause peut prévoir qu'en cas dedisparition du taux ou de l'indice, le contrat seréférera au taux ou à l'indice« économiquement le plus proche » ouà celui que l'autorité compétente lui aurasubstitué.
De même, si l'insertion dans le contrat d'une« clause de continuité » paraîtdangereuse (on a déjà vu plus haut qu'elle est inutile,et si elle se généralisait, les juges pourraient tirerde son absence des conséquences négatives), en revancheune « clause d'information » peut rappelerutilement au contractant étranger que le passage à lamonnaie unique est prévu à telle date et quel'exécution du contrat se poursuit selon la loimonétaire européenne dès que celle-ci est miseen application.