Les contours de la souveraineté monétaire en droit international
La souveraineté monétaire en droit international général (ou coutumier)
Les limitations conventionnelles à la souveraineté monétaire de l'État
L'objet de cette étude de l'Agence judiciaire du Trésor, à la demande du groupe de travail interministériel sur les contrats internationaux de la Mission euro, consiste à déterminer l'incidence que pourrait avoir le passage à la monnaie unique sur les conventions internationales.
L'analyse conduit aux conclusions suivantes :
1. Le droit international général (ou coutumier) reconnaît la pleine et entière compétence de la France sur sa monnaie et son régime ;
À ce titre, la France est entièrement libre de modifier son unité monétaire et ainsi de décider de substituer l'euro au franc français en application du traité de Maastricht.
Les parties peuvent toujours se prémunir contre ce " risque " par l'insertion de clauses spécifiques de garantie.
2. Le droit international conventionnel qui, seul, pourrait limiter les compétences susmentionnées de la France, lui interdit simplement de définir son unité monétaire par rapport à l'or (ce qui n'est pas le cas avec l'euro).
3. Sous réserve de clause spécifique prévue par les parties contractantes dans leur convention, la référence au franc français comme monnaie de compte renvoie donc à la loi monétaire française (en l'occurrence le futur règlement sur le statut juridique de l'euro). Seule cette loi pourra changer la valeur ou le contenu de cette monnaie.
De même, en l'absence de clause spécifique, un traité international faisant référence au franc français comme monnaie de paiement fait également renvoi à la loi française en tant loi de l'État émetteur pour la définition de cette unité monétaire. Le remplacement du franc français par l'euro décidé par la France s'imposera donc aux États cocontractants ayant librement choisi la monnaie française comme monnaie de paiement.
Que la France soit également partie aux traités ayant inclus le franc français comme monnaie de compte et de paiement ne change rien à cette analyse, les parties contractantes étant censées avoir librement et en toute connaissance de cause exercé un choix qui les soumettait inévitablement aux aléas des changements de la lex monetae retenue.
En conclusion, sauf clause formelle contraire, le simple remplacement du franc français par l'euro ne saurait, à lui seul, justifier la réouverture de négociations internationales entre les parties contractantes aux fins de modification des traités faisant référence au franc français comme monnaie de compte et/ou de paiement.
Cette solution est évidemment transposable à tous
les accords interétatiques se référant à
l'une des monnaies susceptible d'être remplacée par
l'euro.
En droit interne, il n'est plus contesté, depuis longtemps, que la monnaie fasse partie des prérogatives propres à l'État ; c'est l'État qui la crée en lui donnant un nom, qui la modifie et qui en prescrit l'usage (note 1).
Le droit international consacre-t-il une solution identique ?
Pour conduire l'analyse, il convient de distinguer entre la solution commune donnée par le droit international général (ou coutumier) et les approches partielles du droit international conventionnel.
Le droit international coutumier consacre de la manière la plus large la souveraineté monétaire de l'État ; il constitue le régime de droit commun.
Dans l'affaire des Emprunts serbes et brésiliens de 1929, la Cour permanente de justice internationale devait donner une formulation incontestée de la souveraineté monétaire de l'État en déclarant : " C'est un principe généralement admis que tout État a le droit de déterminer lui-même ses monnaies " (Série A, n° 20, p. 45 et n° 21, p. 122)
Cette formulation n'est jamais qu'une application particulière d'une règle générale incontestée du droit international très tôt formulée par la même Cour de La Haye et selon laquelle " les limitations de l'indépendance des États ne se présument pas " (Affaire du Lotus, arrêt du 7 septembre 1927, Série A, n° 10, p. 18).
Cette affirmation selon laquelle tout État peut déterminer sa monnaie, c'est-à-dire est investi de la souveraineté monétaire représentait alors le droit international positif de l'époque et le représente d'ailleurs toujours en l'absence de conventions contraires (note 2).
Le contenu général de cette souveraineté est le suivant :
1) Il est tout d'abord un principe incontesté en droit international selon lequel le choix de son unité monétaire (et de son nom) par l'État est entièrement libre, sauf à utiliser celle d'un autre État ce qui nécessite alors l'accord de ce dernier en tant que pays émetteur.
C'est dire qu'il peut changer son unité monétaire, la remplacer par une autre à la suite d'une opération de démonétisation (note 3).
À notre connaissance, il n'existe pas d'exemple où des monnaies nationales aient entièrement disparu sans être remplacées par d'autres.
Cette situation, la disparition de la monnaie nationale (l'ost mark par exemple) a en effet été de pair avec celle de l'État émetteur (en l'espèce la République démocratique allemande en 1990) pour être remplacée par l'unité monétaire de l'État absorbant (le Deutsche Mark de la République Fédérale d'Allemagne).
S'il y a dislocation d'un État préexistant (l'ex URSS par exemple), les nouveaux États ont toute compétence pour émettre une monnaie propre venant se substituer à l'ancienne. En la matière, les règles applicables relèvent de la succession d'États et non du droit monétaire.
2) Le droit de modification de l'unité monétaire nationale a également toujours été reconnu (du moins à l'époque contemporaine).
Ces manipulations monétaires (dévaluation et, plus rarement, réévaluation) auxquelles les États n'ont cessé de recourir au cours des siècles sont plus intéressantes pour notre cas d'espèce.
Les États tiers éventuellement affectés (parce qu'ils détenaient des créances en devises étrangères dévaluées par exemple) n'ont en effet jamais pu obtenir la moindre compensation ou réparation de ce chef.
Par conséquent, il apparaît bien que le droit international général (ou coutumier) est fondé, comme le droit interne, sur le principe nominaliste (note 4).
Un État qui procède à une dévaluation de sa monnaie (c'est la seule hypothèse à retenir en raison de son impact négatif pour ses détenteurs) ne peut donc voir sa responsabilité engagée pour manquement au droit international par un État tiers titulaire de créances - même officielles ou publiques - libellées dans cette devise et qui se trouvent ainsi dépréciées par une décision unilatérale de l'État émetteur.
3) La souveraineté monétaire de l'État telle qu'elle est reconnue par le droit international général (ou coutumier) inclut le droit pour l'État émetteur d'en réglementer et restreindre l'usage externe pour ses détenteurs.
En langage contemporain, cela signifie que l'État est libre de décider du degré de convertibilité de la monnaie qu'il émet, voire d'en prescrire l'inconvertibilité totale.
4) Enfin, l'État peut également limiter (voire interdire) le recours par les parties contractantes à des clauses de garantie (ou de valeur) dans les contrats et conventions qui viendraient faire échec au jeu du principe du nominalisme monétaire.
Le droit international général (ou coutumier) reconnaît donc à l'État une compétence pleine et entière en matière monétaire.
Celle-ci peut toutefois être limitée dans sa portée par l'État lui-même dans des traités ou conventions internationales spécifiques.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les États - dont la France - ont accepté des limitations conventionnelles à leur souveraineté monétaire telle que la reconnaissait le droit international coutumier en souscrivant à des traités internationaux tant à portée universelle que régionale.
En raison de la primauté reconnue du droit international, les mesures monétaires que les États sont à même de prendre dans leur ordre interne doivent y être conformes. Les traités en vigueur ont une force obligatoire et les États ne peuvent s'y soustraire unilatéralement en vertu du principe fondateur " pacta sunt servanda ".
Dans le cas de la France, et pour le problème qui nous occupe, un seul traité est à prendre en considération : l'accord dit de Bretton-Woods portant statuts du Fonds Monétaire International (note 5).
La France a en effet ratifié cet accord dès le 26 décembre 1945.
Or, les statuts du FMI ont, pour la première fois dans l'histoire, imposé des contraintes aux États membres dans la gestion de leur monnaie. Et la France ne saurait, en application de ses engagements communautaires se soustraire aux obligations générales souscrites au titre de sa participation au FMI qu'elle doit respecter tant à l'égard de l'institution elle-même que de tous ses pays membres (c'est-à-dire aujourd'hui de la quasi-totalité des États).
En l'espèce, seules sont ici pertinentes les obligations pesant sur les pays membres du FMI en ce qui concerne la définition de leur monnaie et les changements de taux de change :
1°) En ce qui concerne la détermination - ou plus exactement la définition - des monnaies nationales, les statuts du FMI tels qu'ils apparaissent à la suite du deuxième amendement qui est entré en vigueur le 1er avril 1978 ont redonné aux États membres une liberté qui leur avait été déniée initialement.
L'accord original de Bretton-Woods imposait aux pays membres de définir leur monnaie par rapport à l'or. Cette obligation a complètement disparu avec le deuxième amendement de 1978. Mieux, il leur est fait interdiction formelle - et c'est d'ailleurs la seule qui est posée - de définir leur monnaie par rapport à l'or (note 6).
On notera de surcroît que les Statuts du FMI laissent entièrement libres les pays membres d'adopter la monnaie de leur choix, de la changer radicalement en la remplaçant par une autre dans le cadre d'une réforme globale du système monétaire national. Ainsi, un État peut procéder à une démonétisation de son unité monétaire et la remplacer par une autre ayant un nom et une définition différents (note 7).
2°) En ce qui concerne les changements de taux, le FMI n'a eu de cesse de se préoccuper du maintien de la valeur de ses actifs libellés dans la monnaie de ses membres en cas de variation.
À l'époque du régime de la parité-or (1945-1978), une clause-or généralisée protégeait le Fonds Monétaire contre toute dépréciation en cas de dévaluation de la monnaie d'un État membre. Depuis la légalisation et la généralisation du régime des taux de change flottants à compter du 1er avril 1978, le problème est plus complexe à résoudre.
Les Statuts amendés contiennent une clause exprimée par rapport au " droit de tirage spécial " (note 8). Concrètement, cela signifie que les avoirs que le FMI détient en monnaie française doivent rester constants en termes de droit de tirage spécial. Ceci implique des ajustements périodiques, à la hausse ou à la baisse, selon le cas, en fonction des variations du franc sur les marchés des changes. C'est donc par ce seul prisme des clauses de valeur destinées à protéger ses actifs monétaires que le FMI a abordé les conséquences des changements de monnaie ainsi que des modifications (à la hausse ou à la baisse) de leur valeur.
Mais, il est à noter que cette approche valoriste est propre au FMI et à ses actifs en raison d'une disposition spéciale de ses Statuts. C'est dire que les États membres du FMI ne bénéficient à ce titre d'aucune garantie couvrant les actifs qu'ils détiendraient dans une monnaie d'un autre État membre : c'est à eux de supporter le risque de dépréciation ou de valorisation. En d'autres termes, faute de pouvoir bénéficier d'une exception valoriste conventionnelle, ils se trouvent soumis au régime nominaliste de droit commun, conséquence du principe coutumier de la souveraineté monétaire pleine et entière de l'État.
En conclusion, il apparaît que la France ne sera pas en contradiction avec ses obligations de membre du FMI lors du passage à la monnaie unique (note 9).
Il est fréquent que des traités internationaux utilisent la monnaie d'un État déterminé pour exprimer et mesurer une obligation de payer une certaine somme d'argent. La monnaie choisie pour exprimer le quantum de l'obligation peut être celle d'un État partie à la convention ou de celle d'un État tiers.
Or, la monnaie étant par définition une institution nationale, seule la loi de l'État émetteur a compétence, et compétence exclusive, pour en fixer la valeur en toute discrétion (sous réserve, une fois encore, des obligations internationales éventuelles dudit État). Telle est la conséquence du principe nominaliste qui est reconnu tant en droit interne qu'en droit international, les deux ordres juridiques coïncidant ici parfaitement (note 10).
Par conséquent, le choix d'une monnaie implique une incorporation dans le traité en cause de la loi monétaire applicable à la devise retenue comme standard de mesure ou unité de compte.
Sans doute, dans un traité international, les parties contractantes ont-elles la possibilité de s'écarter de ce schéma et d'éviter les conséquences du nominalisme monétaire. Il leur est en effet possible de " cristalliser " la référence à la monnaie nationale choisie comme unité de compte et d'éviter ainsi les conséquences adverses des changements de valeur ou de définition qui viendraient à être décidés par l'État émetteur. Elles doivent cependant le faire expressément et en termes non ambigus.
À cette fin, le traité faisant référence à une monnaie nationale déterminée prise comme monnaie de compte doit préciser que la valeur de cette dernière sera celle en vigueur à la date de la conclusion dudit accord.
La monnaie choisie comme monnaie de compte est alors " gelée " à la date retenue de sorte que les changements ultérieurs effectués par l'État émetteur seront sans incidence sur les obligations entre les parties. En conséquence, les montants effectifs à débourser dans la (ou les) monnaie(s) de paiement devront être ajustés - à la hausse ou à la baisse - en fonction de l'évolution de la valeur de cette (ou de ces) dernière(s) telle qu'elle(s) reflète(nt) dans leurs taux de change respectifs.
L'insertion de clauses de garantie spécifiques (ex : clauses d'indexation) leur permet également de se prémunir contre les évolutions éventuelles de la monnaie utilisée.
L'hypothèse de la disparition pure et simple de la monnaie de compte est la plus complexe, mais elle ne sera pas approfondie compte tenu de son manque d'intérêt au cas présent.
En l'espèce, le cas est plus simple en raison de l'absence de disparition " sèche " de la monnaie française. En effet, si le franc français est amené à disparaître sous ce vocable, la France continuera à avoir une monnaie. Sans doute, celle-ci ne sera-t-elle plus " nationale " puisqu'elle sera émise par la future Banque Centrale Européenne (BCE) et qu'elle sera à la fois unique et commune aux États membres participant à la troisième phase de l'Union Économique et Monétaire (UEM).
L'argument selon lequel, en raison de la force obligatoire des traités (règle pacta sunt servanda) et de l'impossibilité pour les parties contractantes de procéder à des révisions unilatérales de leurs engagements conventionnels, la France ne pourrait pas modifier son régime monétaire sans obtenir l'accord de ses partenaires ou, à tout le moins, ouvrir des négociations aux fins de modifier les termes dudit traité, ne peut être retenu.
Une telle analyse repose en effet sur une méconnaissance de la portée de l'inclusion d'une institution nationale comme la monnaie dans un traité international. On ne saurait y voir ni une limite au droit de l'État dont la monnaie est choisie comme monnaie de compte de l'altérer et de la remplacer, ni une obligation de renégociation dans ces dernières hypothèses.
Le traité incorpore en y faisant renvoi la lex monetae de l'État dont la devise est choisie comme monnaie de compte avec tous les risques de changement qu'un tel choix effectué librement et en toute connaissance de cause implique. Il ne s'agit en rien d'une question ayant trait à l'exécution des obligations interétatiques contenues dans un traité international.
Selon cet article, " un changement fondamental de circonstances qui s'est produit par rapport à celles qui existaient au moment de la conclusion d'un traité et qui n'avait pas été prévu par les parties ne peut être invoqué comme motif pour mettre fin au traité ou pour s'en retirer, à moins que l'existence de ces circonstances n'ait constitué une base essentielle du consentement de parties à être liées par le traité et que ce changement n'ait pour effet de transformer radicalement la portée des obligations qui restent à exécuter en vertu du traité. "
Dans son arrêt du 2 février 1973 dans " l'affaire des pêcheries islandaises ", la Cour Internationale de Justice (CIJ) devait reconnaître que cette disposition de la Convention de Vienne sur le droit des traités pouvait " à bien des égards être considérée comme une codification du droit coutumier existant en ce qui concerne la cessation des relations conventionnelles en raison d'un changement de circonstances " (Rec. 1973, p. 18). C'est dire que cette clause " rebus sic stantibus " est ainsi opposable à la France en tant que règle de droit international général (ou coutumier) alors même qu'elle n'est pas partie à la Convention de Vienne précitée de 1969.
Cependant, il n'existe, à notre connaissance, aucune instance où cette clause " rebus sic stantibus " ait été reconnue applicable : en effet, si cette clause a souvent été invoquée dans des procédures judiciaires internationales ou entre des États parties à un traité pour en justifier la renégociation, jamais une telle demande n'a été acceptée. Autrement dit, la préoccupation d'assurer la stabilité des engagements internationaux l'a emporté sur toute idée d'ajustement aux circonstances.
Au cas présent, à supposer que cette clause soit invoquée par des partenaires de la France pour justifier la terminaison, la suspension ou la renégociation d'un traité en vigueur, il apparaît que les trois conditions cumulatives énumérées par cette disposition sont difficilement réunies dans l'hypothèse précise d'un changement de monnaie par un État.
En premier lieu, l'article 62, al. 1 de la Convention de Vienne prend soin de préciser que le changement fondamental de circonstances invoqué par rapport à celles existant lors de la conclusion du traité concerné ne devait pas avoir été " prévu par les parties ".
Cet élément d'imprévisibilité est ici essentiel. Or, la disparition du franc français comme monnaie nationale et son remplacement à terme par l'euro étaient de notoriété publique pour les partenaires de la France à tout le moins à compter du 7 février 1992, date de la signature du Traité de Maastricht qui programmait sans la moindre ambiguïté cette évolution dans le cadre de la réalisation de l'Union Économique et Monétaire.
En bref, le remplacement du franc français par l'euro était prévisible non seulement à partir du 7 février 1992 (approche conservatrice) mais également à partir du rapport du " Comité Delors " du 17 avril 1989 (effet d'annonce)... sans vouloir remonter au Rapport Werner de ... 1970.
En second lieu, il conviendrait de démontrer que le choix de la monnaie française comme monnaie de compte et/ou de paiement avait constitué " une base essentielle du consentement des parties à être liées par le traité " pour reprendre les termes employés par la Convention de Vienne (article 62 al. 1a)).
Tout dépend ici de la nature du traité en cause, mais les situations concrètes paraissent difficiles à cerner.
Enfin, le changement fondamental invoqué doit avoir " transformé radicalement la portée des obligations " conventionnelles (article 62 al. 1b)).
Ceci est plus difficile à soutenir raisonnablement en l'espèce. En effet, en matière monétaire, le débiteur est soumis aux risques et aléas de la monnaie utilisée. Si celle-ci s'apprécie (et tel a été le cas du franc français au cours de ces dernières années), il en résulte mécaniquement un alourdissement de sa dette.
Ce phénomène ne saurait en rien s'analyser comme un changement fondamental de circonstances transformant radicalement la portée de ses obligations. Un changement d'unité monétaire du type remplaçant le franc français par l'euro (écu) peut sans doute produire un effet d'alourdissement des dettes des débiteurs étatiques étrangers mais il ne saurait constituer une transformation radicale des obligations de ces derniers.
Autrement dit, en matière monétaire, changements et fluctuations font partie de l'ordre normal des choses et s'imposent pleinement à tous les utilisateurs sans que ceux-ci puissent exciper d'impossibilité ou de coût excessif d'exécution.
Par conséquent en l'absence de clause spécifique prévue dans le traité ou la convention internationale concernée, le remplacement du franc en euro ne peut donc pas être invoqué par des États tiers à l'Union européenne, parties au traité ou à la convention internationale, pour suspendre, renégocier ou résilier un accord interétatique désignant le franc, ou l'une des monnaies susceptibles d'être remplacées par l'euro, comme monnaie de compte.
Cette question ne mérite pas de longs développements, les principes généraux gouvernant son traitement et sa solution étant identiques à ceux exposés pour la disparition de la monnaie de compte.
En choisissant comme monnaie de paiement, la monnaie nationale d'un État -fut-il partie contractante à un traité en faisant élection- les États cocontractants ont en effet nécessairement fait référence à la loi monétaire du premier.
L'explication générale est ici la même que lors du choix de la monnaie de compte : les parties contractantes du traité concerné ont incorporé dans le corps de celui-ci la loi monétaire de l'État émetteur en y faisant renvoi. Ce faisant, ils ont accepté par avance de se soumettre aux aléas de l'exercice par l'État émetteur de sa souveraineté monétaire. Ils ont pris le risque inhérent au jeu du nominalisme monétaire en même temps qu'à celui des restrictions de change qui viendraient à affecter la convertibilité de la monnaie de paiement retenu.
Ici encore, il convient de rappeler que les États ont toute latitude pour se prémunir contre ces risques en insérant des clauses de garantie (ou de valeur) appropriées.
Par conséquent, en l'absence de clause spécifique
prévue dans le traité, les États tiers à
l'Union européenne ne pourront juridiquement pas remettre
en cause une convention internationale sur le fait que le franc,
ou l'une des monnaies susceptibles d'être remplacées
par l'euro, choisie comme monnaie de paiement, a été
remplacé par l'euro.
(1) Sur tous ces points très généraux, voir pour plus de détails, Nolde, La monnaie en droit international public, R.C.A.D.I. 1929 (II) 247 et pp. 247-252 et 260-262; D. Carreau, "Souveraineté et coopération monétaire internationale", Paris, Cujas, 1970, pp. 21-46 et F.A. Mann, "The Legal aspect of money, 5th ed., Clarendon Press, Oxford, 1992, pp. 3-30, ainsi que les nombreuses références citées.
(2) Voir D. Carreau, op. cit, pp. 51-97 et F.A. Mann, op. cit., pp. 461-478; voir aussi F.A. Mann, Money in Public International Law, 96 R.C.A.D.I. (I) 7 et pp. 75-98).
(3) Voir, dans le même sens, G. Burdeau, L'exercice des compétences monétaires par les Etats, 212 R.C.A.D.I. 1988 (V) 215 et ici pp. 247-249.
(4) Voir D. Carreau, op. cit, pp. 51-97 et F.A. Mann, op. cit., pp. 461-478; voir aussi F.A. Mann, Money in Public International Law, 96 R.C.A.D.I. (I) 7 et pp. 75-98).
(5) En tant que membre de l'OECE, puis de l'OCDE, la France est également liée par les "codes de libéralisation" tant des opérations invisibles courantes que des mouvements de capitaux, mais ceux-ci ne présentent pas ici d'intérêt pour la question à résoudre en ce qu'ils ne concernent pas la valeur (ou le taux de change) des monnaies des autres pays mais seulement l'usage qui en est fait (c'est-à-dire leur convertibilité). Quant aux engagements monétaires de la France au regard du droit communautaire (Traité de Rome tel que modifié par le Traité de Maastricht), aucun problème de compatibilité ne se pose (du moins aujourd'hui) dans la mesure où le changement de l'unité monétaire (remplacement du franc français par l'euro) sera précisément l'une de leurs conséquences.
(6) Cf., article IV Section 2 b et, pour l'avenir éventuellement l'Annexe C.1 qui envisage un retour à un régime de parités stables.
(7) Des réformes de ce genre ont été assez fréquentes dans l'histoire récente hors les cas de succession d'États : ainsi, l'Argentine et le Brésil ont-ils effectué de telles réformes il y a quelques années.
(8) Article V Section 11 et voir la décision du conseil d'administration n° 5590 (77/163) du 5 décembre 1977 adoptée pour faire face à la situation nouvelle des monnaies flottantes).
(9) Voir en général sur tous ces aspects généraux, D. Carreau, Th. Flory, P. Juillard, Droit international économique, Paris, L.G.D.J., 3è éd., 1990, pp.321-355.
(10) Voir F.A. Mann, op. cit., pp. 537-542 et
pp. 84-85.
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