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Depuis la fin des années 60, la création d'une Unionéconomique et monétaire (UEM) est une ambitionrécurrente de l'Union européenne, car elle est un gagede stabilité monétaire et d'avancées sensiblesdans l'intégration du continent. Cependant, de nombreuxobstacles de nature économique et politique ont dûêtre surmontés jusqu'à la signature dutraité de Maastricht, en février 1 992. Àplusieurs reprises, l'absence d'une véritable volontépolitique, les divergences d'opinion quant aux prioritéséconomiques, le manque de convergence des économies etl'évolution des marchés des changes nationaux, surlaquelle l'Union n'avait aucun contrôle, ont retardé lamarche vers l'UEM.
Toutefois, au cours des vingt-cinq dernières années,les Etats membres de l'Union ont constamment cherché àapprofondir la coopération monétaire pour resserrer lesliens politiques qui les unissent et protéger leur principaleréalisation, à savoir le marché commun. Lesdispositions du traité de Maastricht relatives à l'UEMreflètent les nombreuses leçons apprises au cours decette période. À Maastricht, les Etats membres ont puse mettre d'accord sur les raisons pour lesquelles nous avons besoind'une UEM et sur les moyens d'y parvenir. Cela n'a pas toujoursété possible dans le passé.
Schématiquement, on peut résumer le long parcoursvers l'Union économique et monétaire en trois grandesétapes:
du traité de Rome au rapport Werner (1970),
du rapport Werner au système monétaireeuropéen (SME),
du SME à Maastricht.
Du traité de Rome au rapport Werner
Après la guerre, les économies de marché del'Europe, de l'Amérique du Nord et du Japon ont adoptéle système de Bretton Woods, qui garantissait lastabilité monétaire au niveau international et quiconsacrait la suprématie du dollar américain.
Les auteurs du traité de Rome ont donc pensé que lastabilité monétaire resterait la norme et que la miseen place d'un marché commun, par la suppression progressivedes obstacles à la libre circulation des biens, des services,des personnes et des capitaux, fournirait une base solide pour laconstruction de l'Europe. Ils n'ont pas jugé opportund'arrêter un programme précis pour la définitionde politiques économiques communes, encore que lacréation du comité monétaire aitété une façon de reconnaître lanécessité d'une certaine coordination entre lespolitiques monétaires.
Les accords de Bretton Woods et le dollar américain ontcommencé à donner des signes de tension dès lafin des années 50; en 1 968 et en 1969, une nouvellepériode d'instabilité monétaire a menacéde s'installer lorsque les turbulences intervenues sur lesmarchés ont entraîné laréévaluation du mark allemand et la dévaluationdu franc français.
Cette évolution était d'autant plus intempestivequ'elle compromettait le système de prix communsinstauré dans le cadre de la politique agricole commune, qui,à l'époque, était la plus grande réussitede la Communauté européenne.
Dans ce contexte difficile, et alors que l'objectif d'une uniondouanière était déjà en grande partiedevenu réalité, les responsables politiques de laCommunauté ont tenu à se fixer de nouvelles ambitionssur le plan politique pour les dix années à venir.
En 1965, la Commission a pour la première foisenvisagé de privilégier l'objectif des taux de changefixes. L'idée a été reprise par le rapport Barrede 1 968, et le soutien apporté par la France et l'Allemagne apermis, lors de la conférence au sommet des chefs d'Etat ou degouvernement de La Haye, en décembre 1 969, de faire de l'UEMun objectif officiel. Un groupe de haut niveau, placé sous laprésidence de Pierre Werner, Premier ministre du Luxembourg, aété institué, avec la mission de faire rapportsur les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre cet objectifavant 1 980.
Le groupe Werner a présenté son rapport final enoctobre 1970. Ce dernier prévoyait la mise en place, selon unplan en trois étapes, d'une Union économique etmonétaire complète sur une période de dix ans.L'objectif final était de parvenir à laconvertibilité irréversible des monnaies desÉtats membres, à la libération totale desmouvements de capitaux et à la fixation irrévocable desrapports de parité, voire au remplacement des monnaiesnationales par une monnaie unique.
Le rapport recommandait de renforcer la coordination despolitiques économiques et de resserrer les marges defluctuation des taux de change. Il précisait égalementque les décisions relatives aux taux d'intérêt,aux parités de change et à la gestion desréserves allaient devoir être prises au niveaucommunautaire. Il soulignait, enfin, la nécessité dedéfinir des orientations concernant les politiquesbudgétaires nationales et les modalités de financementdes déficits ou d'utilisation des excédents. En outre,une harmonisation fiscale et une coopération de politiquestructurelle et régionale s'imposaient.
Sur le plan institutionnel, le rapport Werner recommandait, sansautres précisions, la création d'un centre dedécision pour la politique économique et d'un"système communautaire des banques centrales ".
Si les Six étaient divisés sur certainesrecommandations clés du rapport, ils ont cependantdonné leur accord de principe, en mars 1 971 , pourl'institution par étapes de l'UEM. La premièreétape, qui correspond à la réduction des margesde fluctuation monétaire, devait être lancéeà titre expérimental et n'impliquait aucun engagementquant aux étapes suivantes.
Malheureusement, le plan Werner considérait lafixité des taux de change par rapport au dollar comme un faitacquis. Lorsque les Etats-Unis ont décidé de laisserflotter leur monnaie, en août 1971, l'onde d'instabilitéqui a gagné les marchés a exercé une pressionà la hausse sur le mark allemand et a brisé tout espoirde pouvoir lier plus étroitement les monnaieseuropéennes.
En mars 1972, les Six ont tenté de redresser la situationen créant le "serpent dans le tunnel", qui consistait en unmécanisme de flottement concerté des monnaies (le"serpent ") à l'intérieur de marges de fluctuationétroites par rapport au dollar (le " tunnel "). Misà mal par les crises pétrolières, par desdivergences entre les politiques économiques et par lafaiblesse du dollar, le serpent monétaire a perdu, en moins dedeux ans, la plupart de ses membres pour se réduire finalementà une "zone mark'>, comprenant l'Allemagne, le Benelux etle Danemark.
Pour citer un historien: " La conjonction d'un environnementinternational défavorable, de politiques nationalesdivergentes, d'une stratégie économique conçueà la va-vite et d'une volonté politique bien peuaffirmée a condamné le SME à une mortprématurée" (Loukas Tsoukalis, The New EuropeanEconomy).
La " mort prématurée" du SME n'a en riendécouragé les efforts de création d'une zone destabilité monétaire. Une nouvelle proposition relativeà l'UEM a été présentée eQ 1977par le président de la Commission de l'époque, M. RoyJenkins. Cette proposition a été reprise, sous uneforme moins ambitieuse, par la France et l'Allemagne et s'esttraduite, en mars 1 979, par la mise en place du systèmemonétaire européen, auquel participaient tous les Etatsmembres, bien que la livre sterling n'ait pas adhéré aumécanisme de change.
Si le SME avait pour principal objectif de réduirel'instabilité monétaire, qui était de plus enplus considérée comme préjudiciable auxéchanges, à l'investissement et à la croissanceéconomique, sa création a sans aucun douteété facilitée par l'émergence d'unconsensus parmi les Etats membres, qui ont reconnu dans lamaîtrise et la réduction de l'inflation unepriorité économique.
Mais le SME présentait un autre attrait pour la plupart desEtats membres, qui voyaient là un moyen de renforcer l'Europesur les plans économique et politique, à un momentoù la suprématie des Etats-Unis semblait moinsaffirmée.
Le SME et son mécanisme de change marquaient vraiment unnouveau départ, puisque les parités ne pouvaientêtre modifiées qu'après approbation des Etatsmembres participants et de la Commission, ce qui représentaitun transfert d'autonomie monétaire sansprécédent.
Le SME reposait sur des taux de change stables, maisrévisables, fondés sur des taux pivots définisen fonction de l'écu, création inéditereprésentant la moyenne pondérée des monnaiesparticipantes. Une grille de taux bilatéraux étaitcalculée à partir des taux pivots exprimés enécus, et les marges de fluctuation entre les monnaies nedevaient pas excéder 2,25 % de part et d'autre (àl'exception de la lire italienne, qui bénéficiait d'unemarge de plus ou moins 6 %).
À l'époque où le traité de Maastrichta été négocié, en 1990-1991 , de nombreuxéconomistes et hommes politiques considéraient le SMEcomme une véritable réussite. La volatilitéà court terme des taux de change entre les monnaiescommunautaires avait été sensiblement réduite,grâce à la combinaison de plusieurs facteurs: laconvergence des taux d'inflation, une gestion des tauxd'intérêt axée sur les taux de change, une actionconcertée sur les marchés des devises et lecontrôle des mouvements de capitaux.
Sur la période 1979-1985, la variabilité des taux dechange a été deux fois moins forte que sur lapériode 1975-1979, et elle a encore diminué demoitié sur la période 1986-1989. De 1979 à 1983,il y a eu sept réalignements monétaires, contre quatreseulement entre 1983 et 1989.
Le bilan positif du SME a joué un rôledéterminant dans les discussions sur l'UEM, de même quela précieuse expérience acquise par les banquescentrales de la Communauté dans la gestion commune des taux dechange. En effet, au cours des dix-huit mois précédantla conférence intergouvernementale consacrée àla rédaction des dispositions du traité relativesà l'UEM, la peseta espagnole et la livre sterling avaientrejoint le mécanisme de change avec des marges de fluctuationde 6 %., tandis que la marge de fluctuation de la lire italienneétait ramenée à 2,25 %
L'UEM trouvait sa justification dans la nécessité demener à bien le programme de marché unique, qui avaitété adopté en 1985 en vue de supprimer toutesles barrières non tarifaires à la libre circulation desbiens, des services, des personnes et des capitaux. Il est apparuclairement que le marché intérieur pourraitdifficilement produire tous les effets bénéfiquesescomptés, avec les coûts de transaction relativementélevés qu'entraînait la conversion des monnaieset les incertitudes liées à l'instabilité destaux de change.
En outre, de nombreux économistes et gouverneurs de banquescentrales estimaient que l'autonomie monétaire des Etatsmembres était inconciliable avec les objectifs delibre-échange, de libre circulation des capitaux et defixité des taux de change poursuivis par la Communauté.Pour beaucoup, le bien-fondé de cette opinion aété confirmé ultérieurement par lesturbulences qui ont agité le mécanisme de change en1992 et en 1993 et qui ont abouti à la sortie de la lireitalienne et de la livre sterling ainsi qu'àl'élargissement des marges de fluctuation à 15 %.
En juin 1988, le Conseil européen de Hanovre ainstitué un "comité pour l'étude de l'Unionéconomique et monétaire", présidé parJacques Delors, qui était alors président de laCommission. Le comité comptait parmi ses membres tous lesgouverneurs des banques centrales de l'Union ainsi que quelquesexperts indépendants. Leur rapport, adopté àl'unanimité et présenté en avril 1 989,précisait que l'objectif de l'union monétaireétait de parvenir à la libérationcomplète des mouvements de capitaux, àl'intégration totale des marchés financiers, àla convertibilité totale et irréversible des monnaies,à la fixation irrévocable des paritésassociée à l'élimination des marges defluctuation et, éventuellement, au remplacement des monnaiesnationales par une monnaie unique.
Le rapport proposait pour cela un plan en trois étapes, quiprévoyait d'abord une plus grande coordination des politiqueséconomiques et monétaires pour aboutir à lacréation d'une monnaie unique et de la Banque centraleeuropéenne.
Il demandait aussi l'adoption de règles sur l'ampleur demême que sur le financement des déficitsbudgétaires nationaux et plaidait pour que l'orientationgénérale de la politique budgétaire au niveaucommunautaire puisse être définie par un vote àla majorité. Le rapport soulignait la nécessitéde confier la politique monétaire de l'Union à uneinstitution nouvelle, totalement indépendante.
Sur la base du rapport Delors, le Conseil européen deMadrid de juin 1989 a décidé de mettre en oeuvre lapremière étape de l'UEM en juillet 1990, date quicoïncidait avec la libération complète desmouvements de capitaux dans huit Etats membres. En décembre dela même année, le Conseil européen ademandé la convocation d'une conférenceintergouvernementale pour définir les modifications àapporter au traité afin d'arriver à une Unionéconomique et monétaire complète.
Lorsque cette conférence a officiellementdébuté, en décembre 1 990, le comité desgouverneurs des banques centrales et le comitémonétaire avaient déjà beaucoup avancédans leurs travaux préparatoires, puisqu'ils avaient notammentrédigé les statuts de la Banque centraleeuropéenne. Leur contribution a grandement facilité larévision du traité et l'obtention de l'approbationformelle des chefs d'Etat ou de gouvernement lors du Conseileuropéen de Maastricht, en décembre 1991 , où ila été décidé que l'Europe seraitdotée d'une monnaie unique avant la fin du siècle. Ils'agira d'une monnaie stable et forte; ainsi l'ont voulu lesdirigeants et les peuples d'Europe, en signant puis en ratifiant letraité sur l'Union européenne au début desannées 90.
Le traité:
est conçu pour que la monnaie unique soit l'unedes monnaies les plus stables au monde;
met en place à la fois un pôle économique etun pôle monétaire forts et équilibrés;
établit un objectif de monnaie unique en vue deréaliser les meilleures performances;
prévoit un calendrier réaliste et précis pourréaliser cet objectif.
L'Union économique et monétaire est l'engagementcentral de ce traité qui vise à consolider la paix etla prospérité, objectifs premiers de la construction del'Europe.
Aujourd'hui, alors que les échanges commerciaux entre lesEtats membres atteignent 60 % de leur commerce total, laréalisation du marché unique et lalibéralisation des mouvements de capitaux appellent uncomplément logique et essentiel: la monnaie unique.
Ces dernières années, le développementinacceptable du chômage, les difficultésengendrées par la récession économique ainsi queles fluctuations excessives ou injustifiées des marchésdes changes et des capitaux ont occulté les progrèsaccomplis vers l'Union économique et monétaire del'Europe. Le doute a gagné certains secteurs de l'opinionpublique. Dans les milieux économiques et financiers,l'opportunité, la crédibilité et lafaisabilité de la monnaie unique ont étécontestées.
L'Union aurait mieux résisté à cesdifficultés si la monnaie unique avait existé. Cetteconviction progresse et vient renforcer la détermination desÉtats membres à respecter leur engagement d'appliquerle traité sur l'Union européenne; elle doitdésormais gagner l'opinion publique européenne.
Pour remporter le soutien du public, il convient d'apporter aucitoyen la réponse aux questions qu'il peut se poser:
Pourquoi la monnaie unique? Quels avantages offrira-t-elle auxEuropéens? Quelles craintes peuvent-ils avoir?
Quelles sont les dispositions du traité pourréaliser l'Union économique et monétaire?
La monnaie unique, un facteur de stabilité et deprospérité L'intégration croissante deséconomies européennes appelle une plus grandecoordination monétaire, dans un contexte marqué par ladisparition du système de changes fixes et la globalisation del'économie mondiale.
La mise en place du système monétaireeuropéen a été un premier pas dans cettedirection. Mais les fluctuations monétaires de cesdernières années ont montré qu'il fallait allerplus loin.
Seuls la monnaie unique et son environnement de stabilitéapporteront aux Européens les nombreux avantages concretssuivants:
le marché unique, ainsi complété,sera plus efficace; ·
la croissance et l'emploi seront stimulés;
les surcoûts liés à l'existence de plusieursmonnaies européennes
disparaîtront;
la stabilité internationale sera renforcée;
la souveraineté monétaire commune des Etats membressera confortée.
Pour que le marché unique fonctionne de manièresatisfaisante, il faut éviter que les variations des taux dechange ne perturbent les échanges commerciaux ou lesinvestissements, en modifiant leur rentabilité demanière imprévisible. Une variation de taux de change,même modeste, peut modifier substantiellementl'équilibre des contrats entre deux entrepriseseuropéennes, en même temps qu'elle affecte la richesserelative des citoyens et le pouvoir d'achat des consommateurs. Seulela monnaie unique, pour le plus grand nombre possible d'Etatsmembres, peut mettre entreprises et particuliers à l'abri deces perturbations.
Elle permettra aussi, pour la première fois, unevéritable comparaison des prix des biens et des servicespar-delà les frontières. Ce sera un avantage pour leconsommateur comme pour les entreprises, grâce àl'intensification de la concurrence et à la stimulation deséchanges au sein du marché unique.
La monnaie unique favorisera l'investissement et l'emploi de deuxmanières:
Parce qu'elle repose sur un cadre économiquesolide dans lequel les déficits publics serontmaîtrisés et la stabilité des prix seraassurée. Ce contexte favorisera le développement deséchanges, améliorera l'allocation des ressources,encouragera un accroissement de l'épargne, renforcera lacroissance et, finalement, créera plus d'emplois, tout enaméliorant le niveau de vie; .
Parce que la Banque centrale européenne aura les moyensd'assurer sa mission première, à savoirpréserver la stabilité des prix et de la monnaie enEurope. La clarté de cet objectif, le statutindépendant de la Banque centrale européenne et saforte constitution susciteront la confiance des marchés, cequi pourrait conduire à abaisser les tauxd'intérêt, en particulier ceux à long terme. Celaest particulièrement souhaitable pour les PME.
Les coûts de transaction (frais sur opérations dechange ou frais de couverture du risque de change)disparaîtront totalement au sein de l'union monétaire.Ces charges sont loin d'être négligeables: elles sontévaluées entre 0,3 et 0,4 % du produit intérieurbrut de l'Union, soit de 20 milliards à 25 milliardsd'écus par an.
Chacun est concerné. Par exemple: un particulier part dechez lui avec en poche 1 000 marks, 1 000 francs ou 1 000 livres outoute autre monnaie européenne; il se rend successivement danschaque État de l'Union. À chaque frontière, ilchange son argent dans la devise du pays où il entre. Deretour dans son pays, sans avoir réalisé aucun achat,il lui restera moins de 500 marks, de 500 francs ou de 500 livres oude toute autre monnaie européenne.
L'Union européenne est la première puissancecommerciale du monde. Sa monnaie deviendra naturellement l'une desprincipales monnaies d'échange et de réserve, àégalité avec le dollar ou le yen.
À terme, les Européens pourraient, de manièrecroissante, régler dans leur propre monnaie leurs importationsdes pays tiers. Les entreprises européennes pourraient, demanière croissante, exporter leurs produits en les facturantdans leur monnaie. Elles pourraient ainsi calculer sur des basessolides la rentabilité de leurs programmes et protégerainsi l'emploi.
Dotée d'une monnaie au statut international reconnu,l'Europe sera, en outre, mieux armée pour rechercher avec sespartenaires américains et japonais une meilleurestabilité du système monétaire international.
Pour certains, le passage à la monnaie unique signifie laperte de la souveraineté monétaire nationale. Maisquelle est la véritable marge d'indépendance despolitiques monétaires aujourd'hui? Dans un contexted'économies interdépendantes et de liberté desmouvements de capitaux, la mise en oeuvre d'une politiquemonétaire autonome n'est plus une option crédible. Enfait, les Etats membres perdront une prérogative qu'enpratique ils ne peuvent utiliser. En gérant collectivement lapolitique monétaire de l'UEM, les banques centralesparticipantes exerceront une souveraineté monétairecommune d'un type nouveau une responsabilité partagée,mais effective sur la gestion de l'une des plus fortes monnaies dumonde.
Une monnaie unique signifie une fixation irréversible destaux de change. Certains craignent que le taux de change ne puisseplus être utilisé à l'avenir pour surmonter desdifficultés particulières auxquelles seraitconfronté leur pays. Toutefois, cet instrument n'apporte dessolutions souvent temporaires que dans des circonstancesparticulières. Dans la plupart des cas, de telsproblèmes sont mieux traités ou résolus par descanaux autres, qui demeurent largement sous la responsabilitédes Etats membres, comme la politique budgétaire ou lefonctionnement du marché du travail. C'est pourquoi letraité souligne la nécessité d'un hautdegré de convergence et le principe d'une économie demarché ouverte à la libre concurrence. Dansl'hypothèse de difficultés causées par descirconstances exceptionnelles échappant à lamaîtrise d'un Etat membre, le traité prévoit,cependant la possibilité d'accorder une assistancefinancière communautaire décidée par le Conseil,sous certaines conditions.
La monnaie unique sera l'une des plus fortes monnaies du mondePour que l'union monétaire soit crédible et solide,elle doit réunir seulement des pays bien géréséconomiquement. Dans ce but, les Etats membres se sontengagés à améliorer la situation de leurséconomies en vue de les aligner sur les meilleurs niveaux deperformance. c'est la notion de convergence.
Pour apprécier si le degré de convergence estsuffisant, le traité précise les règles de bonnegestion à suivre. Ce sont les critères de convergencequi recouvrent en fait, des principes de saine politiqueéconomique, tant pour l'inflation que pour les tauxd'intérêt, la stabilité des taux de change, lesdéficits et la dette publics.
Pour que la monnaie unique soit solide, il faut que cescritères soient scrupuleusement observés non seulementpour l'entrée dans la troisième phase, mais aussi pourcontinuer à participer à l'union monétaire demanière durable. Le traité prévoit desprocédures qui pourraient conduire à des sanctionsfinancières, et il permet aux forces du marché (absencede soutien inconditionnel) d'encourager les Etats membresdéfaillants.
La bonne gestion de la monnaie unique doit être permanente:le respect des critères n'est pas simplement un test dequalification en vue d'une adhésion, mais un engagement desEtats participants à maintenir une politique économiquefavorable à une croissance durable, à l'emploi età la préservation du pouvoir d'achat.
L'UEM repose sur deux bases: un pôle fort de coordinationdes politiques économiques (le Conseil des ministres del'Economie et des Finances) et une institution monétaireindépendante (le SEBC).
Le Conseil des ministres de l'Economie et des Finances estresponsable de la définition des grandes orientations de lapolitique économique et dispose de moyens pour faire pressionsur les Etats participants afin qu'ils respectent leurs engagementsen matière budgétaire. De plus, il n'existe pas depossibilité de soutien inconditionnel.
Le Système européen de banques centrales (SEBC), quiregroupe les banques centrales des Etats membres et la Banquecentrale européenne (BCE), est indépendant. Il ne peutrecevoir d'instruction des Etats membres ni des institutionseuropéennes. La BCE détermine librement la politiquemonétaire de l'Union, avec pour mission d'assurer lastabilité des prix.
La monnaie unique ne se décrète pas. L'Europe estprofondément attachée aux principesdémocratiques: une avancée historique de cette ampleurdoit être souhaitée par ses citoyens. Les institutionseuropéennes doivent veiller à ce que cette transition,qui affectera la vie quotidienne de chacun, se déroule dans unclimat d'ouverture et de transparence.
Afin de susciter chez les Européens un sentiment defierté vis-à-vis de leur monnaie et de les encouragerà participer pleinement à la concrétisation dece projet, la Commission a créé, en mai 1994, un grouped'experts sur le passage à la monnaie unique, dont la missionétait de conseiller la Commission sur les préparatifstechniques nécessaires à l'introduction de la nouvellemonnaie.
En juin 1995, la Commission a présenté son livrevert et a entendu les représentants de différentssecteurs de l'économie, afin que l'introduction de la monnaieunique se passe de la manière la plus harmonieuse possible.
En janvier 1996, la table ronde consacrée à lacommunication sur la monnaie unique permettra à toutes lesparties concernées de définir les stratégies decommunication les mieux adaptées aux besoins de chaquecitoyen.
La monnaie unique s'appellera "euro".
Le passage à la monnaie unique s'articulera autour de troisdates clefs, qui marquent autant d'étapes:
au début de 1998, le Conseil européen,réunissant les chefs d'Etat ou de gouvernement,désignera les pays qui entreront dans l'Unionéconomique et monétaire (UEM), c'est-à-dire lesEtats membres qui auront atteint un degré élevéde convergence, conformément à la procédureprévue par le traité sur l'Union européenne;
Le 1er janvier 1999 marquera le début effectifde l'Union économique et monétaire (UEM) entre cespays, avec la fixation irrévocable des cours de conversion desmonnaies participantes et de l'euro;
Le 1" janvier 2002 au plus tard, l'introduction des nouveauxsignes monétaires marquera la généralisation del'euro en tant que monnaie unique des pays participant àl'UEM.
Concrètement, les trois étapes d'introduction de lamonnaie unique se dérouleront de manièreordonnée et dans le respect des capacités d'adaptationdes utilisateurs, selon le scénario arrêtéà Madrid.
Au début de 1 998, dès que l'on connaîtra laliste des pays participant à l'UEM, la Banque centraleeuropéenne sera mise en place. Les conditions d'exercice de lapolitique monétaire et de change unique seront alorsdéfinies, et la fabrication des pièces et des billetsde banque en monnaie unique commencera. La gamme des piècesira de 0,01 à 2 euro et celle des billets, de 5 à 500euro.
Dans les pays participants, les préparatifss'intensifieront tout au long de cette étape, notamment dansles administrations, les banques et les institutionsfinancières. L'ensemble du système économiquecontinuera à fonctionner comme par le passé,c'est-à-dire sur la base des monnaies nationales.
Le 1 " janvier 1999, au début de cette étape quidurera trois ans maximum, les taux de conversion entre l'euro et lesmonnaies nationales participantes seront irrévocablementfixés. La monnaie unique sera une monnaie à partentière. Le Système européen de banquescentrales (SEBC), composé de la BCE et des banques centralesnationales, deviendra opérationnel. Il définira etconduira la politique monétaire et de change unique (fixationdes taux d'intérêt à court terme, interventionsface au dollar et au yen, etc.) en euro. Les cotations de change desmonnaies nationales participantes disparaîtront. Lessystèmes de paiement de gros montants fonctionneront aussi eneuro, notamment le système Target géré par leSEBC. Les nouvelles émissions concernant la dette publiquenégociable se feront en euro. Pour les banques et les grandesentreprises, le passage à la monnaie unique se fera d'abord,et surtout, au travers de la politique monétaire et de changeunique, du marché des capitaux et des systèmes derèglement associés. Les banques pourront faire figurersur les extraits de compte de leurs clients la double indication(euro et/ou monnaie nationale) des valeurs requérant uneexpression monétaire. Plus généralement, durantcette étape, elles pourront fournir à leurs clients desinformations sur les conséquences du passage à lamonnaie unique, à l'occasion de leurs opérationsfinancières. Elles dispenseront à leur personnel laformation nécessaire pour faire face à ce changement.Elles pourront aussi offrir à leurs clients certains produitsen euro, selon les possibilités juridiques et techniquesexistantes.
Les entreprises pourront également travailler en euro.Ainsi, il est probable que les sociétés les plusengagées dans le commerce international et européenopteront rapidement pour un basculement de tout ou partie de leursactivités.
Les administrations devront préparer activement leurbasculement. Elles fourniront aux opérateurs et auxconsommateurs les informations nécessaires pour l'introductionde la monnaie unique. Pour l'essentiel, leurs transactions avec lepublic se feront encore en monnaie nationale.
Les consommateurs, pour leur part, continueront d'utiliseressentiellement la monnaie nationale, en raison de l'absence demoyens de paiement physique en euro. Toutefois, la demande du publicpourra rapidement conduire certaines banques ou entreprises àoffrir des services en euro.
L'instauration progressive du double affichage des prix des bienset des services permettra aux consommateurs de se familiariser peuà peu avec la monnaie unique au cours de cette période.Ils pourront ainsi se construire une nouvelle échelle deréférence de prix, apprendre à convertir sur unebase fixe les monnaies nationales en monnaie unique (et inversement)et constater par eux-mêmes que l'introduction de la monnaieunique ne se fera pas à leur détriment.
Les banques, les entreprises et les détaillantsmèneront également leurs propres actions d'informationvis-à-vis de leurs clients, en leur expliquant notamment lesconséquences du passage à l'euro sur les servicesqu'ils offrent (transparence).
Tout au long de cette étape, les principaux systèmesde paiement de détail (virement, carte de paiement,chèque, etc.) seront adaptés de manière àpouvoir fonctionner en euro. Dès qu'ils auront subi toutes lesadaptations nécessaires, c'est-à-dire au plus tardà la fin de cette étape, les salaires pourrontêtre versés en euro.
Le 1" janvier 2002 au plus tard, et pendant six mois tout au plus,on procédera à l'introduction des nouveaux moyens depaiement physiques en monnaie unique (pièces et billets) et auretrait des anciennes monnaies nationales. Cette étape nedevra durer que le temps strictement nécessaire, afin deminimiser les complications, pour les utilisateurs, d'une doublecirculation monétaire prolongée. Cette opérationmatérielle d'échange sera soigneusementpréparée. Dans certains cas (reprogrammation descaisses enregistreuses, des distributeurs de billets et desautomates), elle commencera longtemps à l'avance, par ladiffusion d'informations sur les spécifications techniques despièces et des billets, de manière à garantirl'adaptation des logiciels et des machines. Elle s'achèvera le1" juillet 2002, lorsque seuls les billets et les pièces eneuro auront pouvoir libératoire.
Dès le début de cette étape, lesdétaillants seront libres d'accepter les 15 monnaiesnationales, mais ils seront tenus d'accepter l'euro, qui aura pouvoirlibératoire. Toutes les opérations monétaires(salaires, retraites, comptes bancaires...) seront expriméesen monnaie unique. Dans les contrats, les référencesaux monnaies nationales seront converties en monnaie unique selon lestaux de conversion irrévocablement fixés, sans autremodification des termes et conditions stipulés. Autrement dit,le principe de la continuité des contrats s'appliquerapleinement.
Le passage à la monnaie unique ne peut réussir quesi cette monnaie est totalement acceptée par les citoyens. Or,cette évolution dérangera nécessairement leshabitudes quotidiennes et modifiera l'organisation des banques et desentreprises. C'est pourquoi il est indispensable de rappeler sansrelâche tous les avantages de la monnaie unique (stimulation del'emploi, disparition des surcoûts liés àl'existence de plusieurs monnaies nationales, renforcement du poidsde l'Europe sur la scène internationale, stabilité ettransparence des prix, simplification des déplacements descitoyens à travers l'Europe, baisse du coût destransferts d'argent à l'étranger...). La monnaie uniquerapprochera l'Europe du citoyen, renforcera l'unitéeuropéenne et constituera un facteur de stabilité, depaix et de prospérité.
Enfin, le marché unique pourra continuer àfonctionner harmonieusement entre les pays participant à l'UEMet les autres pays de la Communauté, grâce à uneplus grande convergence globale et à la stabilisation desrelations de change. À terme, l'UEM devrait englober tous lesEtats membres qui souhaiteront en faire partie, compte tenu de leurcapacité de satisfaire aux critères prévus parle traité, et cela dans le cadre d'une solidaritéeuropéenne renforcée.