Chapitre I - Les contraintes du choix duscénario
Chapitre II - Un scénario de référence pourle passage à la monnaie unique
19. Le Traité prévoit l'introduction "rapide" del'Ecu comme monnaie unique dès l'entrée en unionmonétaire, c'est-à-dire lors de la fixationirrévocable des cours de conversion et lorsque l'Ecu seradevenue une monnaie à part entière.
Dans ce but, la Commission a donc établi un scénariode référence respectueux de trois contraintesprincipales : faisabilité ; respect du cadre légal etcrédibilité du processus ; simplicité, souplesseet moindre coût.
La faisabilité
Le respect du Traité et la crédibilité duprocessus
La simplicité, la souplesse et un moindre coût
Les autres scénarios possibles
20. La transition la plus satisfaisante à bien deségards aurait consisté dans le basculement del'ensemble des secteurs à la monnaie unique en une seule foisdès le début de la troisième phase. C'estl'approche dite du big bang immédiat.
Cependant, il est apparu que les difficultés liéesà la mise en oeuvre de cette solution sont insurmontables.D'une certaine façon, ce constat avait d'ailleursété anticipé par les rédacteurs duTraité au travers du choix du mot "rapide" pour la transitionet non pas "immédiate". Ces difficultés sont de deuxordres :
Une durée de plusieurs années a égalementété avancée par les banques pour l'adaptationcomplète de leurs systèmes de gestion et d'information,et par les exploitants d'automates pour préparer l'adaptationdu parc de machines existant.
Il est acquis aujourd'hui que les préparatifsnécessaires ne pourront pas être lancés dans tousles domaines avant la décision du Conseil de passer àl'UEM. Le basculement complet vers la monnaie unique ne peut donc pass'effectuer dès le premier jour de la troisième phase.
21. La référence explicite dans le Traitéà l'Ecu comme monnaie à part entière etl'introduction rapide de la monnaie unique suppose pour la Commissionqu'un nombre suffisant d'activités devrait basculer en monnaieunique au début de la troisième phase.
Ceci reflète aussi les vues des opérateurs desmarchés financiers, qui considèrent que lavolonté politique des autorités devrait se traduire pardes décisions techniques d'accompagnement de la fixationirrévocable des parités. Cela a conduit la Commissionà considérer que :
la politique monétaire et de change devrait êtreconduite en monnaie unique par la Banque centrale européenneet le Système européen de banques centrales ;
les Gouvernements devraient organiser le basculement desémissions de leur dette publique en monnaie unique dans lesdélais les plus courts possibles, eu égard auxcontraintes techniques de marché.
Ces deux actions correspondent bien à l'équilibreentre les dispositions monétaires et économiques duTraité. Ce sont des signaux complémentaires,destinés à montrer la détermination conjointedes autorités politiques et monétaires. Si l'une oul'autre venait à manquer, la crédibilité duprocessus pourrait être affectée.
L'une des traductions possibles de ces doutes serait alors unepréférence forte des investisseurs pour des titreslibellés dans la monnaie nationale jouissant de la meilleureréputation de stabilité avant l'union monétaire,malgré le contexte nouveau de la fixité absolue descours de change et de l'égalité des conditions derefinancement. Si une telle évolution se manifestait, ellecomporterait des risques importants en ce qui concernel'évolution relative des taux à long terme et desplaces financières au sein de la zone d'unionmonétaire.
22. La solution des difficultés techniques quesoulève la transition vers la monnaie unique ne doit pasaboutir à des complications inutiles, incompréhensibleset coûteuses pour la vie des citoyens, des consommateurs et desentreprises. L'expérience montre que la réussite passepar le choix d'un processus simple et transparent pour le plus grandnombre.
Ceci signifie en particulier que le basculement desdifférents moyens de paiement (pièces et billets,chèques, cartes, virements, titres de paiement) doits'effectuer de façon ordonnée et simple.
Le besoin de simplicité ne doit pas cependant conduireà une approche trop uniforme. La souplesse estnécessaire par exemple :
Quand les réalités sont trop disparatesau sein d'une catégorie d'acteurs. C'est le cas en particulierpour les entreprises. La majorité d'entre elles souhaiteraitsans doute s'adapter de façon progressive à la monnaieunique, mais celles qui sont très liées au commerceintra-européen pourraient avoir un intérêtà basculer leur trésorerie très tôt dansle processus. Dès aujourd'hui, de nombreux groupesinternationaux ont adopté l'Ecu panier comme unité degestion interne;
Quand il est possible et souhaitable de laisser jouer le libre jeude la concurrence et du marché, notamment en ce qui concerneles services que les banques offriraient à leurclientèle privée avant le basculementgénéral vers la monnaie unique ;
23. D'autres scénarios que celui présentéci-après ont été avancés, mais laCommission estime qu'ils ne satisfont pas dans la même mesureaux critères susmentionnés. Ainsi, un scénarioexclusivement fondé sur la demande risquerait de créerune plus grande complexité et entraînerait descoûts plus importants, particulièrement dans le secteurbancaire.
24. Un basculement général décaléprésenterait par ailleurs la plupart des avantages d'unbasculement général immédiat, notamment auregard des critères de simplicité et de moindrecoût. L'ensemble des opérateurs et des banques,notamment les plus petites, serait placé sur un piedd'égalité et tout risque de double comptabilitéserait écarté. Il existe donc plusieurs raisons pourlesquelles ce scénario conserve divers partisans et demeureencore en discussion.
Pourtant certains commentaires généraux peuventêtre formulés sur ce scénario :
il n'est pas a priori compatible avec les dispositionsdu Traité en faveur d'une introduction rapide de l'Ecu ;
il n'assure pas la crédibilité initiale du processusliée à une large utilisation de l'Ecu dans le secteurbancaire et financier ;
il retarde le règlement des problèmes d'acceptationet de familiarisation du public avec la monnaie unique.
C'est pourquoi la Commission a préféré, parrapport à d'autres options possibles, se concentrer, àce stade, sur un scénario de référence qui,selon elle, apparaît mieux répondre aux critèresci-dessus.
25. La séquence proposée par la Commission dans cechapitre est un scénario de référence pourdiscussion et clarification. Le scénario de transitionconstitue un élément décisif desmodalités pratiques de passage à la monnaie unique. Ildoit être le réducteur d'incertitude dont ont besoin,dès maintenant, les opérateurs pour prendre lesdécisions d'investissement indispensables audéroulement harmonieux du basculement. La Commission n'entendpas en effet imposer une solution rigide, mais plutôtdégager avec les parties intéressées la formulela mieux adaptée dans le respect de leurs compétencesrespectives.
Le scénario doit être le plus court possible pourréduire les risques de confusion qui entameraient lacrédibilité du processus et la détermination desopérateurs de le mener à bien. Il doit sedérouler selon quelques étapes biencaractérisées et marquant des progrèssignificatifs. Il doit minimiser les coûts de la transition enréalisant des changements définitifs. Il doit enfindonner au public confiance dans le processus et lui permettre des'accoutumer à la monnaie unique.
26. Le scénario de référence s'articule entrois étapes correspondant à la lettre, àl'esprit et à la logique du Traité :
Le lancement de l'union économique etmonétaire (Etape A)
Le démarrage effectif de l'UEM et la formation d'une massecritique d'activités en Ecu (Etape B)
La généralisation de la monnaie unique (Etape C).
Sa mise en oeuvre pratique serait facilitée si les mesuresprévues à chacune des étapes étaient,chaque fois que possible, adoptées de façonanticipée. Il revient ainsi aux autorités publiquesconcernées (Conseil, Commission, Institut monétaireeuropéen/Banque centrale européenne, Etats membres)d'envoyer au plus vite des signaux clairs aux différentsacteurs pour emporter leur conviction du caractère imminent duprocessus d'UEM.
27. Le début de l'Etape A est marqué par ladécision que prend le Conseil d'entrer en unionmonétaire conformément à la procédureprévue par le Traité (articles 109J et 109L). Cetteétape doit permettre de prendre les décisions etmesures appropriées pour l'entrée en UEM àl'Etape B. Un des éléments majeurs réside dansla mise en place du Système européen de banquescentrales (SEBC) et de la Banque centrale européenne (BCE)avec la désignation des organes dirigeants de la BCE. Enliaison avec le secteur bancaire et financier, l'ensemble SEBC/BCEcommencerait à introduire les instruments opérationnelspour la conduite de la politique monétaire et de change uniqueen Ecu au début de l'étape suivante. Sur la base desestimations disponibles, ces préparatifs devraient êtreachevés en douze mois au maximum.
28. En vue de créer une dynamique irréversible, leConseil devrait annoncer la date ultime d'introductioncomplète de la monnaie unique (au plus tard quatre ansaprès le début de l'Etape A), comme partieintégrante de la décision d'entrée en unionmonétaire.
29. En outre, la Commission considère que la sériede mesures suivantes devrait être adoptée audébut de l'Etape A :
L'adoption d'un cadre juridique permettantl'introduction de la monnaie unique au début de l'Etape B.Cette mesure concernerait notamment les conditions d'utilisation dela nouvelle monnaie selon les secteurs et ses relations avec lesmonnaies nationales ; la continuité des contrats etobligations légales ; la législation habilitant lesadministrations financières et fiscales à percevoir despaiements en Ecu au début de l'Etape B ;
La fixation des caractéristiques et desspécifications techniques des pièces et billets debanque en Ecu, de façon à ce que les automates et lessystèmes d'information puissent êtrepréparés aux adaptations nécessaires. Ladécision relative au commencement de la fabrication despièces et des billets devrait être prise par lesautorités compétentes ;
La mise en place dans chaque pays d'une structure nationale depilotage du passage à la monnaie unique associant l'ensembledes acteurs concernés (administration, banque centrale,secteur privé, consommateurs). Cet organisme se consacreraità l'élaboration d'un plan d'adaptation des servicespublics nationaux et locaux. Au niveau communautaire une coordinationappropriée serait mise en place ;
La définition dans chaque pays, par chaque place bancaireet financière, du rythme et du contenu des différentesétapes d'adaptation techniques de ses membres, par exemplesous la forme d'un schéma de place. Un tel schémaarrêterait les conditions matérielles de basculement decertains dispositifs techniques (les marchés de capitaux etleurs infrastructures - cotation, règlement, livraison,conservation -, les systèmes de paiement de gros).
Cet ensemble de mesures devrait être préparébien à l'avance et quelques unes d'entre elles gagneraientà être adoptées avant le début de l'EtapeA. Tout au long de cette étape, les opérateursprivés pourraient entamer ou poursuivre, sur une basevolontaire, leurs préparatifs de passage à la monnaieunique.
30. Aux termes du Traité, l'Etape B débute par lafixation irrévocable par le Conseil des taux de conversion desmonnaies participantes et par la prise en charge par le SEBC de lapolitique monétaire unique. L'Ecu cesse d'êtredéfini par un panier de monnaies et devient une monnaieà part entière, dont chaque monnaie nationaleparticipante devient un parfait substitut sur son territoirerespectif, sous une autre appellation. La fixation des taux deconversion ne modifie pas en soi la valeur externe de l'Ecu.L'équivalence de l'Ecu panier par rapport à l'Ecumonnaie unique s'établit à 1 pour 1. Les marchésde change officiels des monnaies nationales participant àl'UEM disparaissent totalement.
31. Cette étape marque l'entrée en vigueur de latroisième phase de l'UEM et durerait trois années aumaximum. Pour établir la crédibilité etl'irréversibilité, la Commission considère qu'ilimporte d'enclencher une dynamique rapide d'introduction de lamonnaie unique par la formation immédiate d'une masse critiqued'activités en Ecu. A l'apparition de cette masse critiquecorrespondrait un basculement initial du secteur bancaire etfinancier, qui disposerait de trois ans au maximum pourpréparer et effectuer le basculement du reste de sesopérations et des systèmes correspondants.
32. La délimitation de cette masse critique - lepérimètre exact de l'aire d'utilisation de la monnaieunique - devrait être précisée dans les mois quiviennent en consultation avec le secteur bancaire et l'IME, qui estl'organe responsable de la préparation du cadre de lapolitique monétaire unique. Mais la Commission souhaite quecette définition soit la plus large possible. Elle devraitconcerner la politique monétaire et de change unique, lesmarchés interbancaire, monétaire, de change et decapitaux, les nouvelles émissions de dette publique ainsi queles systèmes de paiement de gros :
33. La formation d'une masse critique en Ecu aurait desimplications différentes sur les grandes catégoriesd'acteurs. La monnaie nationale demeurerait la règle dans lesrelations entre les opérateurs bancaires et la grandemajorité de leurs clients (entreprises, consommateurs).Toutefois, un opérateur privé pourrait décidersur une base volontaire d'anticiper son passage à la monnaieunique.
34. Le début du passage à la monnaie unique pour lesbanques et les institutions financières s'effectuerait via lapolitique monétaire et de change unique, les opérationsde marché et les systèmes de règlementsassociés. La masse critique concernerait essentiellement lesactivités de marché qui constituent une zonehomogène et dotée de son système de traitementpropre.
La migration des autres systèmes d'information et degestion s'effectuerait tout au long de l'Etape B conformémentau schéma de place, selon une approchedécentralisée et coordonnée par lesautorités de place. Le basculement de la banque dedétail, impliquant des volumes de transactions importants maisde faible montant, aurait lieu lorsque l'état depréparation des systèmes nationaux de paiements lepermettrait.
35. Les administrations auraient un rôle pionnier àjouer au cours de l'Etape B conformément au plan d'adaptationarrêté par les structures nationales de pilotage aucours de l'étape précédente. Le règlementen Ecu de certains impôts devrait également êtrepossible. Plus généralement, les principaux postes dedépense publique devraient être libellés etdès que possible réglés en Ecu, de mêmeque la présentation du budget national. En outre, lesadministrations publiques devraient systématiquements'acquitter d'une mission d'information des usagers.
36. Dans le secteur privé non bancaire, lesopérateurs pourraient travailler en Ecu pour certaines deleurs opérations si l'environnement le permet. Parmi lesentreprises, les plus engagées dans le commerce internationalopteraient rapidement pour un basculement de tout ou partie de leursactivités en Etape B. Les autres seraient vraisemblablementmoins motivées à anticiper le passage à lamonnaie unique.
37. Durant l'Etape B, les consommateurs continueraient àutiliser essentiellement la monnaie nationale en raison de larareté relative des moyens de paiement en Ecu. Toutefois,l'émulation et la demande du public pourraient rapidementconduire certains opérateurs privés à offrir desservices en Ecu. Une telle évolution serait, toutefois,fonction de la capacité des systèmes de paiementcorrespondants à opérer en Ecu. Plusgénéralement, l'information des citoyens, qu'ellerelève de l'initiative publique ou privée, seraitsystématiquement encouragée - par exemple le doubleaffichage des prix.
38. Cette étape serait annoncée au moment dulancement de l'UEM (au début de l'Etape A). Toutefois, ellepourrait commencer avant la date préannoncée, si leConseil des Chefs d'Etat et de Gouvernement le décidait. Elledurerait le temps nécessaire à l'échange despièces et des billets - c'est-à-dire quelques semaines.Elle marquerait l'achèvement du processus d'introduction de lamonnaie unique, caractérisé par lesdéveloppements suivants :
Les pièces et billets sontéchangés ;
L'Ecu a seul pouvoir libératoire ;
Le basculement des banques et du système financier estterminé ; l'ensemble des moyens de paiement bancaires(virements, chèques, cartes électroniques) sontconvertis en Ecu en liaison avec les systèmes derèglement nationaux ;
le secteur privé non bancaire utilise exclusivement l'Ecudans l'ensemble de ses opérations.
39. L'opération matérielle d'échange devraitêtre soigneusement préparée. Dans certains cas(reprogrammation des caisses enregistreuses, des distributeurs debillets et des automates), elle commencerait longtemps àl'avance avec la diffusion de l'information sur lesspécifications techniques des pièces et des billetspour assurer l'adaptation des logiciels et des machines. Elle sedéroulerait sur une période très brève -quelques semaines - pour éviter les complications d'une doublecirculation monétaire prolongée. Les anciennes monnaiespourraient être échangées sans fraisauprès des Banques centrales nationales durant lapériode légale propre à chaque pays.
40. Pour un bouleversement d'une telle ampleur et sansprécédent, la Commission estime qu'un délai dequatre ans au maximum entre le lancement de l'UEM (Etape A) et lagénéralisation de la monnaie unique (Etape C) n'est pasa priori excessif. En tout état de cause il est susceptibled'être réduit. La durée de ce scénario estlargement dictée par des considérations liéesà la préparation du grand public et desimpératifs techniques (délais de préparation dusecteur bancaire, délais de fabrication des pièces etbillets en Ecu).
41. Le temps nécessaire à la familiarisation dupublic avec la monnaie unique et à la préparationtechnique des opérateurs est à ce stade difficileà déterminer avec précision. Mais, dans lamesure où les autorités voudront adopter les mesurespréparatoires avant même le début de l'Etape A etque la masse critique sera suffisamment importante, la duréede l'Etape B pourra être réduite. C'est pourquoi laCommission propose que les durées indiquées dans lescénario de référence soientconsidérées comme des maxima et que les dates quiseront arrêtées par le Conseil soient des dates butoirs.
42. Le groupe d'experts indépendants, présidépar M. Cees Maas, dont les travaux représentent unecontribution importante à la préparation duprésent document, propose un scénario d'unedurée sensiblement plus courte - une année seulemententre le démarrage effectif de l'UEM et lagénéralisation de la monnaie unique, au lieu des troisannées maximum proposées par la Commission. Cescénario n'est à l'évidence applicable que si le1er janvier 1999 est la date retenue pour le démarrage del'UEM - c'est d'ailleurs la date pour laquelle le groupe affiche unepréférence. Si, en revanche, le démarrage del'UEM avait lieu plus tôt, en 1997 ou en 1998 par exemple, ladurée de la transition devrait être plus longue et soncontenu plus riche, pour tenir compte de l'état depréparation. Dans ce cas, les différences entre lesdeux scénarios s'estompent.
ETAPE A | ETAPE B | ETAPE C |
Lancement de l'UEM | Démarrage effectif de l'UEM | Généralisation de la monnaie unique |
Au début de l'étape | Au début de l'étape | Au début de l'étape |
* Liste des Etats participants | * Ecu monnaie à part entière | * Introduction des pièces et billets en Ecu |
* Fixation des taux de conversion |
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Tout au long de l'étape : | Tout au long de l'étape : |
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