125. Les économies européennes sont desmarchés ouverts fortement intégrés, dont lessystèmes juridiques sont très développés.Le bon fonctionnement d'une économie moderne et complexe,où les agents économiques sont liés entre euxpar un réseau dense de créances financières, estconditionné par la certitude juridique. Pour garantir unpassage harmonieux à l'Ecu, les autorités, au niveau dela Communauté et des États membres, doivent assurercette certitude juridique que les utilisateurs de monnaie exigentbien avant le démarrage de l'union monétaire (Etape B).Ceci suppose de commencer à préparer le cadre juridiqueet à mettre en place la législation nécessairelorsque c'est possible, avant même que la décision soitprise de lancer l'union monétaire à l'Etape A.
Ce chapitre ne constitue pas une tentative de dresser un cataloguede toutes les mesures juridiques nécessitées parl'introduction de la monnaie unique, mais il vise plutôtà indiquer les éléments principaux d'un cadrelégal. Cinq questions(5) en particulier appellent un examenurgent pour réduire l'incertitude entourant l'introduction del'Ecu, à savoir:
- L'Ecu et les dénominations nationales enEtape B,
- le cours légal,
- la continuité des contrats,
- les règles d'arrondis,
- les questions légales relatives aux billets de banques.
126. À partir du moment où la BCE conduit unepolitique monétaire unique et où des taux de conversionsont fixés de façon irrévocable au débutde l'Etape B, l'Ecu existera comme monnaie à partentière. Les monnaies nationales seront des substituts lesunes des autres; elles ne seront plus des monnaies distinctes, maisdes dénominations différentes de l'Ecu.
Pendant l'Etape B, les monnaies nationales continueraienttoutefois d'exister au sens juridique, et les dispositions nationalesrelatives à la monnaie resteraient valables aussi longtempsque des mesures législatives n'auraient pas étéprises au niveau national ou au niveau de l'Union. Au début del'Etape B, l'Ecu panier sera converti en Ecu monnaie unique au tauxde 1 pour 1. Le SEBC pourrait émettre des Ecu sous une formescripturale (l'émission de billets exigeant uncomplément de législation).
Aux termes de l'article 109L du Traité, l'Ecu deviendraitune monnaie à part entière. L'Ecu et les monnaiesnationales en tant que substituts ne deviendraient pasautomatiquement des substituts au sens juridique. Ce sont lesmonnaies nationales qui continueraient de servir d'unité decompte et de moyen de paiement à l'intérieur desfrontières nationales. En l'absence de législation,l'Ecu pourrait être utilisé comme unité de compteet comme moyen de paiement si, et seulement si, les partiescontractantes en décidaient ainsi et/ou que le droit nationaln'imposait pas l'utilisation de la monnaie nationale.
127. Il faudrait donc qu'une législation communautaire soiten place, au début de l'Etape B, afin que l'Ecu et lesmonnaies nationales des pays participants soient des substitutsparfaits au sens juridique, c'est-à-dire que les monnaiesnationales seraient des dénominations différentes del'Ecu, les changements de dénomination s'effectuant sur labase de taux de conversion irrévocablement fixés, etnon de taux de change. Par exemple, il serait nécessaire delégiférer au plan communautaire pour que lesdépôts bancaires, les paiements et les transactions enEcu soient assimilés à des transactions en monnaienationale sur la base de taux de conversion irrévocablementfixés. Toutefois, une partie contractante ne pourra êtretenue d'accepter un paiement en Ecu (par exemple un salaire) avantl'Etape C.
128. Le cours légal d'une monnaie signifie qu'uncréancier ne peut la refuser comme moyen de paiement. Danstous les États membres, à l'exception d'un seul, lecours légal est limité aux billets de banque nationaux(et aux pièces pour un montant déterminé); leschèques, les cartes de débit et de crédit, lestélévirements et les billets étrangers n'ont pascours légal. Aux Pays-Bas, les dépôts bancairesont également cours légal: les créanciers nepeuvent refuser d'être payés par virement. La notion decours légal est toutefois rarement invoquée et necorrespond plus aux exigences du fonctionnement des économiesmodernes. En conséquence, il conviendra d'examiner si lepassage à la monnaie unique exigera une harmonisation de ladéfinition du cours légal entre les pays participants.Par ailleurs, dans une union monétaire, plusieurs questionsd'intérêt général se posent :
Les pièces et billets en monnaie nationalen'auront cours légal que sur le territoire du paysémetteur et leur circulation ne sera pas étendueà d'autres États membres participant à l'unionmonétaire. Les billets d'un État membre ne pourrontdonc pas être utilisés dans un autre État membreà partir du début de l'Etape B. Les billets en Ecu, enrevanche, lorqu'ils apparaîtront en Etape C, auront courslégal sur tout le territoire de l'union monétaire;
Pendant l'Etape C, les pièces et billets en monnaienationale perdront leur cours légal, ce privilègeétant désormais réservé exclusivement auxpièces et billets en Ecu. La législation devraêtre adaptée en conséquence. À partir dece moment, les commerçants seront tenus d'accepter des billetset des pièces en Ecu comme moyen de paiement, mais ils serontlibres d'accepter ou non des billets et pièces en monnaienationale.
Dans certains États membres (par exemple en France et enItalie), des dispositions légales limitent l'utilisation debillets pour certains types de paiements ou pour des paiementssupérieurs à un certain montant, pour des raisonsd'ordre public. Si des mesures ne sont pas prises, ces restrictionsresteront en vigueur.
Les décisions relatives au cours légal peuvent avoirdes implications sur la réglementation de l'affichage desprix, en ce sens que les prix devraient normalement êtreaffichés dans la monnaie ayant cours légal.
A défaut de mesures complémentaires concernant lecours légal des pièces, les règles nationalesrégissant le montant maximum qui peut être payéà l'aide de pièces resteraient applicables.
129. Dans certains États membres, des dispositionspermettent à une partie contratractante de mettre fin ou demodifier les conditions du contrat ou de l'accord sans leconsentement de l'autre partie, en cas de perturbation fondamentaledes facteurs économiques. Les opérateurséconomiques doivent avoir la certitude que laréalisation de l'UEM ne constituera pas une perturbationfondamentale des facteurs économiques, de telle sorte que lescontrats libellés en monnaies nationales ou en Ecu panierpourraient être révoqués unilatéralementet devraient par conséquent êtrerenégociés. Ce principe d'irrévocabilitéserait d'application générale.
La continuité des contrats et l'introductionde l'Ecu
Les mesures législatives
130. Le lancement de l'union monétaire ne constituerait pasune perturbation fondamentale pas plus au sens économiquequ'au sens juridique du terme. Les variations de valeur descréances et des dettes résultant d'une stabilitémonétaire accrue ne poseraient donc pas de problème decontinuité. Plusieurs justifications étayent cetteconclusion. Des fluctuations de taux d'intérêtprovoquées par un changement de la politiquemacroéconomique se produisent dans de nombreux pays et fontpartie des éléments d'incertitude inhérentsà l'évolution économique. En termeséconomiques, la participation à l'UEM doit êtreconsidérée dans le contexte d'un engagement pris delongue date et prévisible. Le respect du critère deconvergence relatif aux taux d'intérêt à longterme assurera un rapprochement des taux d'intérêt despays participants dans la période qui précèderale démarrage de l'UEM.
131. Aussi longtemps que les monnaies nationales conservent uneexistence juridique (c'est-à-dire jusqu'à l'Etape C),il n'y a pas de problème formel de continuité,étant donné que les contrats peuvent êtreréglés dans la même monnaie qu'auparavant. Unautre problème de continuité, de caractèreessentiellement technique, se posera au moment où l'Ecu seraintroduit et où les monnaies nationales perdront leurexistence juridique.
Toutefois, le moment où ce changement interviendra estfonction de la nature du contrat en question :
Pour les contrats libellés en Ecu panier, lebasculement vers une monnaie différente sur le plan juridiquese produira au début de l'Etape B. La Commission adéjà adopté une Recommandation (94/284/CE)concernant le statut juridique des contrats libellés en Ecupaniers(6)[*] Comme latransformation de l'Ecu de monnaie composite en monnaie à partentière (article 109 G et article 109 L paragraphe 4) nemodifiera pas en soi sa valeur externe, le Traitéétablit en effet que la conversion de l'Ecu panier en Ecumonnaie unique se fera au taux de 1 pour 1 Par conséquent, ladécision unilatérale d'une partie à un contratd'appliquer un taux de conversion différent devrait êtreconsidérée comme une violation des conditionscontractuelles.
Pour les contrats libellés en monnaie nationale, laconversion se produira en principe au début de l'Etape C, maiselle pourrait intervenir en Etape B dans les secteurs oùserait déjà utilisé l'Ecu, selon lescénario de référence. Les parties contractantespourraient toujours décider, d'un commun accord, avant l'EtapeC, que leurs contrats doivent être considéréscomme libellés en Ecu.
[*] LeRèglement CE ndeg. 3320/94 du Conseil du 31.12.94 (JO ndeg. L350/27) devra être adapté de sorte que touteréférence à l'Ecu-panier figurant dans le droitcommunautaire soit transformée en une référenceà l'Ecu-monnaie unique selon un taux de conversion de 1 :1.
132. Ni le lancement de l'union monétaire, nil'introduction de l'Ecu ne constituent une perturbation fondamentaledes facteurs économiques de nature à justifier larenégociation des millions de contrats existants. Les partiescontractantes n'auront pas d'argument juridique pour mettre finà un contrat ou en modifier les conditions de façonunilatérale. Mais le droit des contrats fait partieintégrante des systèmes juridiques nationaux, et lesprincipes déterminant les conditions dans lesquelles uncontrat peut être révoqué ne sont pas identiquesdans les différents États membres. Parconséquent, la Commission invite les États membresà revoir les dispositions de leur droit national des contratsafin de déterminer les éventuelles modificationsà y apporter pour garantir l'application uniforme du principed'irrévocabilité dans le cadre de l'UEM. Sur cettebase, un train de mesures législatives pourrait êtreadopté avant même le début de l'Etape A, afin degarantir l'application générale du principed'irrévocabilité de sorte que les conditions descontrats ne soient pas affectées par l'UEM. Les règlesapplicables devraient être les mêmes pour tous lesÉtats membres, et elles devraient donc êtreadoptées au niveau de l'Union européenne.
133. Un autre train de dispositions législatives devrait entout état de cause être adoptées avant le passagefinal à la monnaie unique pour établir :
Que les références aux monnaiesnationales contenues dans tous les contrats devraient êtreconsidérées comme des références àl'Ecu, excluant ainsi toute modification du contrat. Il devrait enêtre de même pour les références àune monnaie nationale dans les textes législatifs etréglementaires et dans tous les documents. Ces dispositionssupprimeraient la nécessité d'insérer desclauses de continuité dans les contrats;
Que les taux de conversion adoptés au début del'Etape B devraient être utilisés pour la conversion dela monnaie nationale en Ecu.
134. Dans les secteurs qui auraient basculé en Ecudès le début de l'Etape B conformément auscénario de référence, des dispositionslégislatives devraient intervenir en temps opportun. En ce quiconcerne les pays tiers, la reconnaissance de la monnaie unique entant que successeur des monnaies nationales aux taux de conversionofficiels ("lex monetae") est probable, de même que lareconnaissance de la continuité des autres conditions d'uncontrat ("lex obligationis"), à savoir les taux de coupon, lestaux d'intérêt et autres dispositions.
Il conviendra de procéder à un examen approfondiavant de pouvoir déterminer s'il peut êtrenécessaire, dans certains cas, d'introduire unelégislation complémentaire pour obliger lescontractants à informer leurs co-contractants de la nouvelledénomination d'un contrat .
135. Le passage d'un régime monétaire comportantplusieurs monnaies à un régime fondé sur l'Ecuposera inévitablement des problèmes d'arrondis desmontants exprimés en unités monétaires. Dans lerégime actuel, le problème se pose déjà :par exemple, les taux de change utilisés pour lesopérations de faible montant comptentgénéralement moins de chiffres significatifs que pourles opérations de gros montants. Il semble que dans lesystème actuel, ces problèmes d'arrondi soientréglés sans que des dispositions législativesdétaillées soient nécessaires. Toutefois, dansla transition vers l'Ecu, certaines questions spécifiquespourraient appeler des clarifications.
Ainsi, une législation pourrait êtrenécessaire pour garantir l'application intégrale etuniforme des taux de conversion, avec des règles d'arrondisobligatoires (par exemple, tous les contrats à long terme telsque les hypothèques, les salaires, la conversion des soldesfinanciers). Elle pourrait aussi être nécessaire pourgarantir une application stricte des taux de conversion dans tous lescas de double affichage des prix. Sur ces questions, il est assezurgent de prendre une décision. En effet, les entreprises etles banques ont besoin de certitude, même avant ledépart de l'Etape A.
136. Bien que la préparation technique des billets soit dela compétence de l'IME et que l'émission des billetsrelève du SEBC, certaines mesures législativespourraient s'avérer nécessaires. Il appartiendraitalors à la Commission en liaison avec le SEBC de formuler despropositions législatives en ce qui concerne :
la protection juridique des billets contre lacontrefaçon;
les règles concernant l'émission et l'utilisationnon autorisées de signes monétaires (timbres,pièces, billets ou autres instruments pouvant êtreutilisés en paiement au lieu des pièces ou billetsautorisés par la loi);
le remplacement des billets mutilés ou détruits;
diverses questions relatives au retrait des billets nationaux età l'introduction de billets en Ecu;
la protection juridique spécifique contre une utilisationabusive du nom de la monnaie unique devrait faire l'objet d'un examenattentif, bien que la question ne se limite pas exclusivementà la législation relative à l'émissiondes billets.
137. Les opérateurs économiques exigent que lacertitude juridique complète soit établie bien àl'avance par rapport au début de l'union monétaire, enEtape B. C'est pourquoi les préparatifs devraient commencer,bien avant l'Etape A qui marque la décision de lancement del'union monétaire. En conséquence, la Commissionpropose aux Etats membres de lui communiquer pour décembre1995, les modifications légales requises pour garantir quel'Ecu pourra être utilisé sur la même base que lamonnaie nationale dès le début de l'Etape B. Sur labase de ces informations, la Commission a l'intention de proposer desdispositions législatives nécessaires au plancommunautaire d'ici le Printemps 1996. Ces propositions couvrirontl'ensemble des questions abordées dans cette partie, mais uneattention particulière sera portée au statut de lamonnaie unique et à la continuité des contrats.