Cultivons le monde ! Ou les nouveaux honnêtes hommes

S’inscrire dans le monde.
S’inscrire dans ce monde ouvert, instable et complexe, où le numérique connecte nos objets, nos gestes et nos vies, ce monde où les anciens modèles vacillent dans toutes leurs dimensions, morales, politiques, sociales, économiques et industrielles, un monde à partager plus que jamais : tel est notre seul horizon.

Comment le faire sans le comprendre, sans se comprendre, pour y trouver du sens, et mieux, pour y donner du sens ? Quels savoirs acquérir ? Quelles grilles de lecture utiliser ? Quelles méthodes mettre en œuvre ? La nature dynamique et complexe des problèmes disqualifie définitivement les anciennes manières, bâties sur les expertises construites à partir de savoirs académiques spécialisés et des positions statutaires qu’elles induisent.
Il ne s’agit plus en effet de gérer le monde, mais de le transformer si ce n’est de le créer.

Et de le faire en responsabilité, en responsable, en co-auteur de fait. Pas d‘autres possibilités alors que de devenir  et d’agir en « honnête homme ».

Né au XVIIe siècle, annonciateur de l’esprit des Lumières, l’honnête homme est un être équilibré, attentif aux connaissances comme aux émotions, cultivant son esprit et ses liens sociaux en responsabilité. Se méfiant des spécialistes, prisonniers dogmatiques de leurs savoir, il cherche au contraire à toucher à tout, un peu, pour tenter d’avoir une représentation globale et en mouvement du monde dans lequel il vit, avec d’autres.

Les derniers soubresauts du cadavre

Que vivons-nous aujourd’hui si ce ne sont les spasmes de la mort de l’ancien monde, statique, vertical, pyramidal et dépassé, et les vibrations intenses si ce ne sont les secousses d’un monde naissant, dynamique, horizontal et réticulé ?

Si le XXIe siècle doit être celui des nouvelles Lumières, il ne pourra définitivement s’imposer qui si les nouveaux « honnêtes hommes » surgissent et s’imposent dans la principale sphère où la transformation du monde est possible : le monde du travail.

Car c’est là que tout se joue, là où nos plans naissent sur le terrain et pour le terrain, là où nos actions s’articulent tout comme nos intelligences, là où nous créons, nous inventons, nous innovons, en faisant des vies de nos pairs (collègues, collaborateurs, clients, utilisateurs) et de leur expressions sociales, l’alpha et l’omega de nos actes de professionnels, et imparablement citoyen.

Si les savoirs verticaux sont insuffisants sinon disqualifiés, sur quoi asseoir cette démarche créative et généreuse, et comment surtout nourrir sa pertinence ? Comment créer des liens entre des savoirs différents et disparates, comment se rapprocher de la nature systémique de ce qui nous est proposé de résoudre ?

A défaut d’être des Pic de la Mirandole, c’est à dire maîtriser tous les savoirs de son temps, ce que personne ne peut plus faire, il faut être très cultivé, tout simplement.

La culture générale plus que jamais

C’est le retour de la culture générale parce que c’est sa nécessité, et il faut s’en réjouir. Elle seule permet de relier, de donner du sens, de replacer nos histoires, nos problèmes dans l’espace et le temps, l’Histoire et les Territoires. Elle seule peut nous aider à saisir le monde sans pourtant le faire exhaustivement, à la manière d’un filet autour d’un ballon, qui n’en couvre qu’une infime partie, mais qui pourtant le contient.

Cela ne semble pas une mince affaire en ces temps numériques que beaucoup accusent de distraction, de non-persistance, de désinformation et de superficialité. Le numérique et son réseau mondial serait ce lieu sans gouvernement, sans carte et sans autre repère que ceux des marchands cachés sous l’illusion de la gratuité, un lieu d’inculture, pire, un trou noir culturel vers lequel toute l’attention de la jeunesse, quelle qu’elle soit, serait aspirée.

Nous pensons que c’est tout le contraire, et que de nouvelles pratiques sont en train de naitre sous nos yeux, qui produisent de la culture, comme en leur temps, le cinéma, le Jazz, le Rock&Roll, la télévision, la Science-Fiction, la bande-dessinée ou le jeu vidéo en ont produit, accusés pourtant qu’ils étaient de pervertir notre belle jeunesse.

C’est la responsabilité des acteurs de l’éducation, de la maternelle aux écoles doctorale de réhabiliter, de  se saisir de tous ces outils, ces pratiques et ces savoirs pour former les « honnêtes hommes » de demain, professionnels efficaces et humains attentionnés parce que cultivés.

>>Lire ici l’article sur le site du Monde des Grandes Ecoles