Pas d’IA sans Design ! – Interview dans Design Fax

En Juillet 2017, Patrick Albert et Nathanael Ackerman lancent le HUB France Intelligence Artificielle, et me demande d’en devenir un des 100 membres fondateurs.
Il s’agit d’animer et d’élargir  la communauté de l’IA et pour ce qui me concerne, d’animer avec Jean-Louis FRECHIN le groupe de travail sur Design et IA.
Nous écrivons à cette occasion une note à destination de la toute récente Mission Villani, chargée de travailler sur une politique de l’IA en France et en Europe, note intitulée : » Pas d’IA sans Design ! ».

en Avril 2018, je suis interviewé par Design Fax, la lettre professionnelle de la communauté du design à ce sujet.

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Dominique Sciamma, directeur de Strate École de design, pratique l’intelligence artificielle (IA) depuis de nombreuses années. Mathématicien de formation puis informaticien, il travaillait déjà dans les années quatrevingt comme chercheur sur une nouvelle manière de programmer, basée sur la logique et la contrainte, avant de s’orienter vers le multimédia puis vers le numérique.

À Strate, il a très vite donné des cours sur l’intelligence artificielle. Et créé, en 2007, le département « Systèmes et objets interactifs » anticipant l’arrivée de l’IA dans les objets. « En 2008, j’ai lancé le terme de Robjets, contraction de robot et d’objet, raconte-t-il. En revanche, je n’ai pas pu utiliser le terme d’objet intelligent. Mes camarades pensaient que, du coup, les autres feraient forcément des objets… idiots« .

Membre de l’Association française d’intelligence artificielle, il propose en vain un colloque sur le sujet en 2011 à Futur en Seine. « C’était l’époque du big data. L’intelligence artificielle n’intéressait personne », se souvient- il. Aujourd’hui, elle est partout.

Enjeu politique et économique, l’IA a fait l’objet d’un rapport confié par le gouvernement français au mathématicien et député Cédric Villani. Et Dominique Sciamma a rejoint une nouvelle structure, le Hub France Intelligence artificielle, dont l’objectif est d’animer l’écosystème de l’intelligence artificielle française et européenne. Interview.

L’intelligence artificielle, tout le monde en parle aujourd’hui. Pour quelles raisons ?

Dominique Sciamma. Le sujet a refait surface avec la quantité de données disponibles et l’appétit des GAFA pour explorer de nouveaux marchés. Quand Google construit sa voiture autonome, quand il mise, pour son moteur de recherche, sur la reconnaissance d’image, il investit lourdement dans l’intelligence artificielle. La puissance des machines a également changé la donne. Tout comme le cloud qui offre la possibilité de calculs infinis sans avoir à investir dans des fermes de données. Or, c’est typiquement ce dont les objets connectés ont besoin.

La victoire, en 2016, d’un programme de Google sur le meilleur joueur mondial de go marque-t-elle selon vous un tournant ?

D.S. Tout le monde pensait que cela n’arriverait pas avant longtemps. Et, tout d’un coup, une frontière a été franchie. Nous assistons à une montée exponentielle des promesses mais aussi des réalisations liées à l’intelligence artificielle.

Le terme soulève beaucoup de fantasmes, voir d’incompréhensions. Quelle définition en donner ?

D.S. On peut en donner deux. C’est tout d’abord un système informatique qui cherche à reproduire les performances de l’être humain. Ce que font les machines depuis longtemps, dans les usines par exemple. Sauf que ce système s’attaque aujourd’hui à de nouveaux territoires : ceux de la connaissance et de l’expertise. L’autre définition correspond à une autre école de recherche et de développement. Elle a été baptisée IA forte. Il ne s’agit pas de reproduire les performances de l’humain, mais son fonctionnement en tentant de faire penser des machines, voire de les rendre conscientes. C’est la première approche qui a aujourd’hui le haut du pavé parce que c’est elle qui intéresse les entreprises, les administrations et les créateurs de valeur en quête de plus de rapidité et d’efficacité. Et c’est elle qui a motivé le rapport du mathématicien Villani.

Que pensez-vous de ce rapport ?

D.S. L’intelligence artificielle est devenue, tout d’un coup, un enjeu stratégique. Le gouvernement s’est rendu compte que les Chinois er les Américains investissaient fortement sur le sujet. Une sorte de panique s’en est suivie. Et s’il était en train de louper le coche de ce nouvel outil de création de valeur ?

C’est bien un sujet politique et économique majeur ?

D.S. Politique, industriel et économique même si la dimension française, nationale, est inopérante. C’est très bien que la France se mobilise, que des intelligences se mettent en mouvement, que des plans se définissent, que de l’argent soit débloqué, mais seule une approche européenne permettra de rivaliser avec les Chinois et les Américains. L’ambition, c’est d’être européen.

L’approche européenne peut-elle être spécifique ?

D.S. Nos choix en la matière ne sont pas anodins. Ils vont déterminer la société dans laquelle nous vivrons. Dans quelle mesure, va-t-elle protéger nos libertés, nos données, notre vie privée ? Les réponses vont varier. En Chine, personne ne va moufter si l’État chinois décide de généraliser la reconnaissance faciale. Ce qui est déjà à l’oeuvre. L’Europe peut se distinguer avec un fin équilibre entre libre entreprise, régulation, libertés individuelles et responsabilités collectives.

Quelle est selon vous la mesure la plus importante du rapport Villani ?

D.S. Celle qui m’intéresse le plus concerne la volonté de miser sur l’interdisciplinarité. Associer des profils différents me semble toujours très pertinents, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’intelligence artificielle. Si l’on veut à la fois produire du savoir, mais surtout le transformer en valeur, c’est-à-dire, en produit ou en service, il faut que les expertises et les disciplines s’articulent dans des lieux où les gens collaborent, que cette approche touche la recherche, l’industrie ou l’académie. Le rapport se contente de lancer des pistes. Or nous avons un projet qui va dans ce sens : la création d’un centre interdisciplinaire qui mêlerait entreprises, incubation et chercheurs sur le territoire du grand Paris Seine Ouest. Ce projet donnerait toute sa place au design, mais je ne peux, à ce stade, en dire plus.

Que manque-t-il le plus, selon vous, dans ce rapport ?

D.S. Le design justement. Ce gouvernement est plutôt bienveillant vis-à-vis du secteur. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État en charge du numérique, connaît bien nos écoles. Il a compris la puissance du design, mais il ne va pas assez loin. Le rapport Villani aurait pu y faire plus spécifiquement référence.

En quoi le design est-il selon vous indissociable de l’intelligence artificielle ?

D.S. Pas d’intelligence artificielle sans design. C’est le titre d’une note que co-écrite avec Jean-Louis Fréchin car nous faisons tous deux partis d’une nouvelle structure créée en juillet 2017 : le Hub Intelligence artificielle France. Cette association a pour objectif d’animer l’écosystème de l’intelligence artificielle française et européenne, de fédérer les énergies et les initiatives, d’animer des groupes de travail et d’être l’interlocuteur de l’État et des collectivités territoriales.

Concrètement, que comptez-vous faire ?

D.S. Nous commençons juste à porter le sujet du design au sein du Hub. Nous allons en appeler aux professionnels du secteur, ceux qui sont productifs sur le sujet ou ceux qui ne le sont pas ; ceux qui veulent en savoir plus et souhaitent profiter d’un groupe pour se cultiver. L’intelligence artificielle peut faire beaucoup pour le design, mais le contraire est vrai. D’un côté, elle va accroître la performance des outils informatiques de conception et de modélisation utilisés par les designers. Et, de l’autre, elle aura besoin du designer pour être utilisée de manière optimale et pertinente, car c’est lui qui s’intéresse à l’expérience utilisateur. Les questions à se poser sont nombreuses : comment l’intelligence artificielle va-t-elle se mettre au service de l’usage ? Comment peut-elle se rendre aimable et être acceptée dans ses prises de décision par celui qui est supposé en bénéficier ?

À quel titre ? Sur quelle base ? Un exemple ?

D.S. Prenez les robots sociaux conçus pour aider les personnes âgées ou handicapées. Quelle vont être leur taille, leur matière, leur expressivité ? Vont-ils se déplacer, parler ? Doivent-ils être plus grands que les hommes, c’est-à-dire les dominer ? Doivent-ils ressembler à un humain ? Sur tous ces sujets, le rôle du designer est primordial. Pour que l’intelligence artificielle entre dans nos vies, qu’elle soit acceptée, utilisée, il va falloir travailler sur l’acceptabilité, l’ergonomie, les facilités d’usage. Des aspects qui sont du ressort des designers alors que les ingénieurs restent focalisés sur la technologie. Syndrome typiquement français de l’ingénieur qui pense que si l’algorithme fonctionne, le produit va fonctionner. Sauf que le produit, ce n’est pas l’intelligence artificielle, le produit, c’est l’expérience. Et l’expérience du produit, c’est le designer qui va la définir, l’optimiser et lui donner du sens.

Toutes les écoles de design sont-elles au fait du sujet ?

D.S. Toutes ont un jour ou l’autre planché sur ces enjeux, parfois sans le savoir, ou sans les nommer, parce qu’elles traitent de sujets prospectifs. Imaginez la maison de demain et vous toucherez forcément à de l’intelligence artificielle. Maintenant, à l’heure où l’on a mis un nom sur ces technologies, il faut pouvoir s’en saisir de manière explicite. À Strate, je donne des cours sur l’intelligence artificielle depuis plusieurs années déjà.

Les objets connectés n’ont pas vraiment décollé. Peut-on envisager le même flop pour l’intelligence artificielle ?

D.S. Les objets connectés ont peu décollé parce que paradoxalement, ils étaient peu connectés à nos usages ! Pour l’IA, cela pourrait être un flop si l’on se focalisait uniquement sur la technologie. Mais les enjeux sont tellement forts – en particulier politiques – que l’on peut espérer une longue période d’investissements et de développement.

Un cauchemar ou un vrai plus ?

D.S. Cela peut-être l’un comme l’autre. Mais si l’on pense à la réussite de l’expérience vécue avec l’objet, au respect de l’utilisateur, au bénéficiaire, cela sera un vrai plus. Au final, c’est le designer qui créera les conditions éthiques, justes et pertinentes de ces objets. Ce qui rend son rôle d’autant plus important.

 

Europe : Pour une politique numérique Commune

In « Les Dossiers de l’Abécédaire parlementaire », 4e trimestre 2003

 Par Laurent Cervoni et Dominique Sciamma Fondateurs de Cervoni Conseil, société de conseil en E-Stratégie dédiée à l’aménagement numérique du territoire

Nanotechnologies, Biotechnologies, Micro-électronique, … : voilà les nouveaux champs du savoir pour lesquels les outils de numérisation, et de création numérique sont devenus absolument indispensables. La création de très grandes d’infrastructures numériques et de services associés, pôles d’attraction et de création de valeur, s’avère alors un projet politique qui dépasse chaque nation individuellement.

L’Europe a besoin d’un projet communautaire ambitieux qui réponde aux enjeux de l’Économie Numérique, lui permettant maintenir et renforcer son poids économique et faire progresser son modèle social, sous peine de laisser l’initiative à l’Asie ou aux Etats-Unis.

De même que les infrastructures routières dépendent de la puissance publique, les infrastructures numé- riques doivent aussi relever de sa sphè- re, afin de ne pas dépendre d’objectifs de rentabilité à court terme. Seule la collectivté est donc à même de faire l’effort d’investissement nécessaire pour créer ces infrastructures. Si les services relèvent du secteur marchand, concurrentiel par essence, les « Autoroutes de l’Information » doivent constituer un service public.

Dès le début des années 90, Al Gore, en lançant le concept d’Autoroutes de l’Information, fixait pour objectif de conquérir des parts de marché et de relancer l’économie américaine. Le terme « Autoroutes » faisait explicitement référence à un des grands projets du New Deal qui facilita les interconnexions autoroutières entre les États, et, en fluidifiant les échanges, mit à disposition services et marchandises à moindre coût sur tout le territoire.

La création d’infrastructures européennes numériques à Très Haut Débit en fibre optique tient de la même ambition : la mutualisation des coûts, la cohérence des protocoles et des infrastructures, entraînent une baisse automatique des frais des équipements et de maintenance, et permettent l’émergence de nouveaux services à des coûts accessibles pour tous, engendrant par surcroît de nouveaux emplois, instaurant ainsi un cercle vertueux.

En France, le récent débat sur la Loi de confiance en l’Économie Numérique, la volonté de France Télécom d’engager les départements dans une Charte haut débit ou encore la variété des expérimentations financées par les Régions ou l’Europe démontrent une prise de conscience des enjeux. Il est donc impératif de définir une stratégie qui évite l’éparpillement des énergies et des financements, qui mutualise les coûts en imposant des standards, et qui anticipe les besoins pour les 20 prochaines années. Le choix de la fibre optique, moyen de transport homogène et très performant, était déjà dans les conclusions du rapport Thery, rédigé à la demande du gouvernement il y a 10 ans.

Si les stratégies et les déploiements d’infrastructures numériques ne peuvent se faire qu’au niveau Européen, il est aussi impératif qu’elles favorisent les initiatives locales et projets régionaux. Deux exemples illustrent cette analyse : Le projet Pau Broadband Country, et celui du ¨Pays Vendomois. Le réseau Pau Broadband Country, ouvert le 13/04/2004, démontre qu’une ville à Très Haut Débit crée de nouvelles richesses. Pour un coût forfaitaire, les habitants téléphonent, accèdent à Internet à haut débit, ou encore à un catalogue de 2500 films téléchargeables sur le réseau.

Réalisé sous l’impulsion du Sénateur Maire A. Labarrère, ce projet crée un pôle attirant des entreprises de dimensions mondiales et favorise l’emploi. De son côté le Pays Vendômois, région rurale, a voté à l’unanimité la création d’un projet similaire. La stratégie est de contrebalancer le poids de Paris, d’attirer des entreprises en mettant à leur disposition des outils de communication inégalés et d’offrir aux habitants les élé- ments d’intégration dans la société de l’information tout en continuant d’habiter en milieu rural. Ces projets qui relèvent à la fois d’une volonté de réaménagement du territoire et d’une stratégie de développement économique ont besoin d’une stratégie globale dans laquelle s’inscrire.

A chaque époque ses défis. La Politique Agricole Commune a permis en son temps à une Europe volontariste de remodeler et de moderniser sa filière agro-alimentaire. Aujourd’hui, seule une « Politique Numérique Commune » est en mesure de faire entrer l’Europe dans la société de l’Intelligence, c’est à dire de lui offrir les perspectives d’un développement économique durable – cocktail vertueux de valeur ajoutée et d’emplois très qualifiés – et de consolider en le modernisant son modèle social, où, plus que jamais, l’implication active des citoyens est nécessaire.

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Entreprendre à Dessein

On le constate chaque jour un peu plus, un nouvel imaginaire est en train de se répandre et de s’imposer dans le paysage : celui des startups, celui des entrepreneurs. Partout en France, pays pourtant culturellement rétif à la prise de risque, des initiatives fleurissent – de l’Etat à la ville en passant par les régions – pour favoriser et accompagner l’éclosion de jeunes pousses. Financements, pépinières, incubateurs, FabLab : de la BPI à Iliad (holding de Free à l’origine du grand projet de la Halle Freyssinet), tout le monde s’y met. Dans nos écoles, toutes nos écoles, des étudiants s’associent, s’intéressent, s’impliquent, et créent souvent leur premières startups tout en suivant leurs études.  Quel est le véritable ressort du phénomène ? Quelle est la raison profonde qui génère ce mouvement ? Nous pensons quant à nous qu’il s’agit d’une quête de sens.

Le projet est en effet au cœur de la démarche entrepreneuriale, et se projeter est par définition se mettre en mouvement vers une destination, si ce n’est une destinée. Entreprendre est donc une démarche qui permet sortir de la contingence, de la localité des enjeux comme de la staticité des savoirs, pour se donner un dessein.

Ce dessein est de plusieurs natures, qui s’emboitent, si ce n’est de plusieurs degrés qui s’élèvent.

Créer…

Le premier degré est celui du produit, du système, du service que l’entreprise se propose de créer et d’offrir à ses clients. Ceux-ci sont donc au cœur de la proposition, dont l’expérience réussie et répétable est la condition du succès du projet. On entreprend toujours et plus que jamais pour quelqu’un. La matérialisation aboutie de l’offre est donc le premier dessein de l’entreprise, qu’elle se doit de réaliser, de rendre réel.

Tenter…

Le deuxième degré est celui de l’entrepreneur, c’est à dire du projet individuel, qui dépasse de très loin celui de la seule matérialisation de l’offre. Il s’agit ici d’un entrelacement d’enjeux individuels mais aussi universels que sont l’émancipation, la création et sans aucun doute le besoin de reconnaissance et du regard de l’autre. Bien plus que réussir (l’échec est consubstantiel de la démarche entrepreneuriale), c’est le fait de tenter, d’affronter le monde si ce n’est de le créer, qui est un moteur puissant de la démarche entrepreneuriale. La quête personnelle de sens est donc au cœur de la démarche de l’entrepreneur, qui se saisit de sa vie à cette occasion.

Ensemble…

Le troisième degré est celui de l’entreprise elle-même, considérée ici comme un projet collectif. La complexité du monde – et donc la complexité des réponses faites au monde – exige la collaboration de talents et de savoirs divers et complémentaires qui participent au projet autant qu’ils s’y retrouvent. Loin de n’être que des contributeurs au projets, ce sont des talents associés, tout aussi porteurs du projet qui en permettent la possibilité. Le dessein devient alors collectif, parce que le projet est partagé. Ce sont des individus libres qui s’associent et amènent leurs talents et leurs intelligences pour atteindre un objectif commun. Et c’est la figure du réseau

Et pour tous !

Le quatrième degré est celui de la société dans son entier, à l’équilibre et à la richesse de laquelle participe l’entreprise et donc les entrepreneurs. Parce que tout est aujourd’hui connecté et en interaction  – tous les moments de nos vies, qu’elles soient publiques ou privées, professionnelles ou personnelles – les services comme les produits qui les servent le sont tout autant, et par la force des choses les entreprises qui les produisent. Il est donc impossible de ne pas penser le monde des hommes comme un réseau dans lequel les entreprises s’inscrivent consciemment, sachant alors à quel dessein bien plus que le leur elle participe.

Un dessein

Création, émancipation, collaboration, partage : voilà les ressorts comme les valeurs de l’entrepreneur et de l’entreprise. Elles sont les valeurs de ce siècle si il veut réussir et affronter le défi d’un bonheur partagé et durable. Elles sont éminemment porteuses de sens, d’un dessein, et pour tout dire d’une communauté de destin.

Le goût d’entreprendre devient alors le gout du vivre ensemble.

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Cultivons le monde ! Ou les nouveaux honnêtes hommes

S’inscrire dans le monde.
S’inscrire dans ce monde ouvert, instable et complexe, où le numérique connecte nos objets, nos gestes et nos vies, ce monde où les anciens modèles vacillent dans toutes leurs dimensions, morales, politiques, sociales, économiques et industrielles, un monde à partager plus que jamais : tel est notre seul horizon.

Comment le faire sans le comprendre, sans se comprendre, pour y trouver du sens, et mieux, pour y donner du sens ? Quels savoirs acquérir ? Quelles grilles de lecture utiliser ? Quelles méthodes mettre en œuvre ? La nature dynamique et complexe des problèmes disqualifie définitivement les anciennes manières, bâties sur les expertises construites à partir de savoirs académiques spécialisés et des positions statutaires qu’elles induisent.
Il ne s’agit plus en effet de gérer le monde, mais de le transformer si ce n’est de le créer.

Et de le faire en responsabilité, en responsable, en co-auteur de fait. Pas d‘autres possibilités alors que de devenir  et d’agir en « honnête homme ».

Né au XVIIe siècle, annonciateur de l’esprit des Lumières, l’honnête homme est un être équilibré, attentif aux connaissances comme aux émotions, cultivant son esprit et ses liens sociaux en responsabilité. Se méfiant des spécialistes, prisonniers dogmatiques de leurs savoir, il cherche au contraire à toucher à tout, un peu, pour tenter d’avoir une représentation globale et en mouvement du monde dans lequel il vit, avec d’autres.

Les derniers soubresauts du cadavre

Que vivons-nous aujourd’hui si ce ne sont les spasmes de la mort de l’ancien monde, statique, vertical, pyramidal et dépassé, et les vibrations intenses si ce ne sont les secousses d’un monde naissant, dynamique, horizontal et réticulé ?

Si le XXIe siècle doit être celui des nouvelles Lumières, il ne pourra définitivement s’imposer qui si les nouveaux « honnêtes hommes » surgissent et s’imposent dans la principale sphère où la transformation du monde est possible : le monde du travail.

Car c’est là que tout se joue, là où nos plans naissent sur le terrain et pour le terrain, là où nos actions s’articulent tout comme nos intelligences, là où nous créons, nous inventons, nous innovons, en faisant des vies de nos pairs (collègues, collaborateurs, clients, utilisateurs) et de leur expressions sociales, l’alpha et l’omega de nos actes de professionnels, et imparablement citoyen.

Si les savoirs verticaux sont insuffisants sinon disqualifiés, sur quoi asseoir cette démarche créative et généreuse, et comment surtout nourrir sa pertinence ? Comment créer des liens entre des savoirs différents et disparates, comment se rapprocher de la nature systémique de ce qui nous est proposé de résoudre ?

A défaut d’être des Pic de la Mirandole, c’est à dire maîtriser tous les savoirs de son temps, ce que personne ne peut plus faire, il faut être très cultivé, tout simplement.

La culture générale plus que jamais

C’est le retour de la culture générale parce que c’est sa nécessité, et il faut s’en réjouir. Elle seule permet de relier, de donner du sens, de replacer nos histoires, nos problèmes dans l’espace et le temps, l’Histoire et les Territoires. Elle seule peut nous aider à saisir le monde sans pourtant le faire exhaustivement, à la manière d’un filet autour d’un ballon, qui n’en couvre qu’une infime partie, mais qui pourtant le contient.

Cela ne semble pas une mince affaire en ces temps numériques que beaucoup accusent de distraction, de non-persistance, de désinformation et de superficialité. Le numérique et son réseau mondial serait ce lieu sans gouvernement, sans carte et sans autre repère que ceux des marchands cachés sous l’illusion de la gratuité, un lieu d’inculture, pire, un trou noir culturel vers lequel toute l’attention de la jeunesse, quelle qu’elle soit, serait aspirée.

Nous pensons que c’est tout le contraire, et que de nouvelles pratiques sont en train de naitre sous nos yeux, qui produisent de la culture, comme en leur temps, le cinéma, le Jazz, le Rock&Roll, la télévision, la Science-Fiction, la bande-dessinée ou le jeu vidéo en ont produit, accusés pourtant qu’ils étaient de pervertir notre belle jeunesse.

C’est la responsabilité des acteurs de l’éducation, de la maternelle aux écoles doctorale de réhabiliter, de  se saisir de tous ces outils, ces pratiques et ces savoirs pour former les « honnêtes hommes » de demain, professionnels efficaces et humains attentionnés parce que cultivés.

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Design : de la pensée à l’action

De tout temps, la France a été une terre de sciences, d’inventions et d’innovation. Le Génie français n’est pas un vain mot, qui a amplement participé à la mise en forme du monde moderne. Les grandes figures ont été des ingénieurs, issus de grandes écoles, créées pour la plupart par Napoléon 1er, et souvent rattachées, dans leurs noms mêmes, à des enjeux industriels et logistiques (Mines, Ponts et Chaussée, Arts et Métiers, …). La rationalité des sciences et des techniques n’a jamais été mieux valorisée qu’en France tant elle servait aussi une certaine idée du monde, déterministe, où tout peut se mettre en équation, et où toute solution est donc univoque et mécanisable.

Cette idée, très linéaire, a pu faire la fortune de la France dans un monde d’industrie lourde et de plans quinquennaux, dans un monde fermé et pyramidal. Elle devient un fardeau dans un monde numérisé, ouvert, horizontal et changeant. C’est une évidence largement partagée, que notre système éducatif, bâti pour être au service de cette linéarité, est en décalage total par apport aux enjeux du XXIème siècle. Mais rien pourtant ne laisse présager une quelconque révolution systémique dans la production de nos élites et de leur manière de penser. Passer deux ans de sa vie à bachoter pour préparer des concours en ignorant le monde n’est certainement pas le meilleur moyen de s’apprêter à le transformer.

De fait, nos Grandes Ecoles sentent bien que le monde a changé, et tentent sincèrement d’infléchir et de nourrir leurs pédagogies d’innovations méthodologiques qui permettraient de resynchroniser leurs diplômés avec les nécessités du monde. Le Design Thinking est de celles-là.

Venu des Etats-Unis, et notamment promue par Tim Brown et sa fameuse agence IDEO, le Design Thinking se veut une méthode de résolution de problème non linéaire qui permet une approche empathique de l’utilisateur final, en intégrant des phases d‘observation, de créativité, de prototypage, de tests, de manière itérative. Et si elle réussit, c’est qu’elle s’inspire plus que fortement de – en fait elle copie – la démarche du designer, qui fait cela depuis… toujours.

Si la méthode a fait la fortune d’IDEO, et de quelques autres acteurs du marché, c’est qu’elle est très liée à un pragmatisme anglo-saxon légendaire, qui ne s’embarrasse pas d’approche hiérarchique des savoirs et des pratiques, au contraire de chez nous, où les disciplines sont hiérarchisées, où l’ingénieur et le manager prévalent, quand ils ne l’ignorent tout simplement pas, sur le designer.

Le Design Thinking devient alors une forme de panacée, une méthode livresque, la plupart du temps enseignée par des non-designers, qu’il suffirait d’appliquer pour obtenir des résultats pertinents ! Les designers, comme de sages citrons pressés, auraient ainsi délivré leurs savoirs, leur pensée même, pour que d’autres, plus sérieux, puissent, sans eux, résoudre des problèmes centrés sur l’utilisateur. Le Design Thinking est un Thinknapping.

Le problème est que le design est un tout, et que sa pensée est consubstantielle d’une pratique : il n’y a pas de Design Thinking sans Design Doing, et les séparer, c’est les stériliser. C’est parce qu’il « représente », à chaque moment de sa démarche – de la création à la communication, en passant par l’observation, la formalisation et le test, que le designer trouve des solutions innovantes. Vouloir Penser sans Faire est donc voué à l’échec.

Plus que de vouloir se substituer au designer, en lui empruntant en solitaire sa méthode, il est plus que nécessaire d’intégrer des designers dans des équipes pluridisciplinaires et faire alors de la méthode le champ méthodologique dans lequel baignent tous les acteurs, les designers en étant les producteurs autant que les garants.

Une telle solution, pourtant si simple, heurte encore nos modèles éducatifs, mais aussi nos organisations, et plus encore nos modèles de pouvoir. Car l’enjeu est bien là ! Notre vision du monde est datée, et tout ce qu’elle induit est désynchronisé. En réinventant l’éducation de la primaire à l’université en réconciliant la pensée et l’action dans une pédagogie par projet, en faisant du métissage des disciplines une réalité permanente, en mettant les talents individuels au service de démarches collectives, en valorisant des approches en réseau, notamment dans TOUTES nos institutions, nous pouvons resynchroniser le génie Français avec son époque, tout en affirmant paradoxalement sa singularité.

Ce serait une révolution ? Ce ne serait pas la première.
Elle nécessite de l’empathie, de l’énergie, de la créativité, du culot.
Elle nécessite du design.

Lire ici l’article sur le site du Monde des Grandes Ecoles.

A leader is a designer: why design thinking is no longer enough

Publié dans HQ Asia le 04/05/2016

Imagine AXA, HSBC or AIR FRANCE led by Steve JOBS! Imagine MACY’S, PARIS BAGUETTE or RENAULT animated by teams totally obsessed with the experience of their end user! Imagine running Public Services, SMRT or TOTAL thinking, at any time, at any point, to satisfy any and all actors in the value production chain.
Imagine human organizations run by leaders inspired by design.

Design is now the new strategic force used by leading companies to reinvent themselves, innovate, and build a relationship with their customers.

What should the qualities of these attentive and charismatic leaders be?

They are multidisciplinary because they know how to articulate harmoniously different knowledge and points of view.

They are creative, because being a leader requires to be creative.`

They develop critical thinking, because leading is not believing but considering all possibilities, even odd ones.

They are innovators because 21st century management is reinventing itself all the time.

They have an extensive culture in Human and Social sciences because this is the only way to read and understand human life situations.

They are bold and generous because they know how to reconcile individuals’ aspirations and creation of value.

They are pedagogues, because a vision must be explained to be shared and developed.

They are story tellers, because leading is acting.

The central question is: how do we train those leaders and where?

There is not a single business or engineering school in the world where you learn to think, behave, act, as a designer. Because all those schools are built on a dying paradigm of power, an aging relationship with profit, a hypnotic one with technology, an obsolete representation of society where the elite is trained by peers certain to understand every issues of the world by themselves, and where verticality is the rule.

Let me be clear: it is not about teaching Design Thinking! This methodology may have proved efficient 10 or 20 years ago, when design was not a generalized strategic issue, and when companies and their leaders thought that they had, almost, all the steering tools in hand. They believed that applying the methodology as a simple add-on, a layer, would make them successful.

It is about everything short design! Thinking AND Doing!

You don’t think in the same way, at every step, when you are using your right brain, i.e. representations techniques, rather than words (PostIts!). You don’t produce in the same way, when you are representing your thoughts, ideas, creations, products, and stories. You don’t succed in the same way when you think about the experience and benefits of all the stakeholdersof you organisation.

The business school of the 21st century will be completely different, and will look and work like a design school: it will be multidisciplinary and interdisciplinary because the world is complex and multidimensional; reconciliating left and right brain, reason and creation, rationality and sensitivity, equation and representation; nurtured with humanities to be able to read human life situations; human centred rather than customer or user centred, because we are more than utilitarians and wallets; project driven because doing is learning; collaborative rather than authoritarian.

Actually, Design schools will take the place of Business and Engineering schools, as the question “Why” will take the place of the questions “How Much” and “How to”. If the 19th century put  the engineer in the forefront of a newly industrialized society (How to), the Marketer ruled the 20th century’s affluent society (How Much). It is now time to care for people, who happen also to be clients or employees. A beautiful life for all of them is the goal, and design is the only path to address their dreams, desires and projects, the only way to answer the question “Why”.

The only question a leader should have in mind.

Post-Deep Learning: Is Deep Leading the Next Step?

Publié dans HQ ASIA le 11/08/2016

During spring 2016, AlphaGo, artificial intelligence developed by Google, defeated two human Go champions, thus breaking a frontier many people and specialists thought would never be possible. Deep learning refers to an aritifical neural network that is multi-layered.

Based on neural networks and a quite old algorithm known as deep learning, this artificial intelligence has been able to master the most complex strategy game ever created, where the combinatorial explosion seemed to forbid any winning strategy based on sole computation. Go players and specialists pretended so far that only a human mind, if not a human spirit, could have the qualities, the intuition, the creativity to play such a game, and more than that, to win.

AlphaGo’s definite victory killed this prejudice, and seems to open a new Pandora’s box– creativity no longer exclusively belongs to mankind, and hence machines and automation can potentially dominate other aspects of the human sphere.

If this is true, there is in front of us an essential and existential question: would machines also take over our capabilities to lead?

After deep learning, is deep leading the next step? If yes, does this mean that all humans projects – either big or small, industrial or political – and our individual and collective destinies, will be led by machines?

It is a very important question.

We are living a time where the promises of automation and robotisation, dreamt by science fiction authors and prospectivists since the beginning of the 21th century, are feared and wanted at the same time. While we destroy jobs, we also gain access to comfort and new objects and services. If this schizophrenic situation is the price and condition of the affluent society, we are more or less accepting it because we consider the balance to be positive.

With deep leading, it is not our mechanical capabilities that we expect to leave to machines; it is our capacity to analyse, to create and to make decisions. This is something right in front of us that we need to consider carefully.

Strange days indeed.

In an era where leadership has been identified as the concept, process, quality, behaviour that we should invest in, by training leaders through a reinvented education and for the benefit of all, AlphaGo is trumpeting that this is not an issue anymore and that machines will take over.

But no.

The very definition of humanity is that we transform our knowledge into technology, tools, theories, in an iterative way, to ease our single and collective lives, to extend our body and mind— not to make us less humans—but more humane. Computers, programmes, robots, AI are all the latest tools, technologies and theories, with an incredible power, to make us more human, more protected, freer.

Deep learning algorithms deal with repetition and combinatorial situations rather than with complexity. Dealing and playing with complexity demands a capability to represent, to invent, to think. Not the capability to recognise, not to consolidate, not to compute.

The good news is that AI will not take over our capability to lead, but it will contribute to leadership.

As ever, the decision is in our hands.

Un leader est un designer

Paru dans Les Echos.fr le 13/12/2016

Imaginez AXA, HSBC ou AIR FRANCE dirigés par Steve Jobs ! Imaginez LE PRINTEMPS, PAUL ou RENAULT animés par des équipes totalement obsédées par l’expérience de leur utilisateur final ! Imaginez les services publics, la RATP ou TOTAL dirigés, à chaque instant, en toutes circonstances, pour satisfaire tous les acteurs de la chaîne de production de valeur.

Imaginez des organisations humaines dirigées par des leaders inspirés par le design.

Le design est la nouvelle force stratégique utilisée par les entreprises qui gagnent pour se réinventer, innover et établir une relation forte avec leurs clients.

Quelles devraient alors être les qualités de ces leaders attentifs et charismatiques ?

Ils sont multidisciplinaires car ils savent articuler harmonieusement différentes connaissances et points de vue.

Ils sont créatifs, car être un leader exige d’être inventif et sans tabous.

Ils développent la pensée critique, parce que diriger ce n’est pas croire, mais envisager toutes les possibilités, même les plus étranges.

Ils sont des innovateurs parce que le management du XXIe siècle doit se réinventer tout le temps.

Ils ont une culture étendue en sciences humaines et sociales parce que c’est la seule façon de lire et de comprendre les situations de la vie humaine.

Ils sont audacieux et généreux parce qu’ils savent réconcilier les aspirations des individus et la création de valeur.

Ce sont des pédagogues, car une vision doit être expliquée pour être partagée et développée.

Ils sont des « story tellers », parce que diriger c’est aussi mettre en récit.

La question centrale est alors la suivante: comment former ces leaders et où?

Il n’y a pas une seule Ecole de Management ou d’ingénieur dans le monde où l’on apprend constamment à penser, à se comporter et à agir comme un designer. Parce que toutes ces écoles sont construites sur un paradigme du pouvoir morribond, un rapport daté avec le profit, une relation hypnotique avec la technologie et une représentation obsolète de la société, où l’élite est formée par des pairs, certains de pouvoir comprendre et diriger le monde entre eux, et où la verticalité est la règle.

Soyons clairs : il ne s’agit pas d’enseigner le DesignThinking ! Cette approche méthodologique a pu s’avérer opérante depuis 10 ans, tant que le design n’était pas un enjeu stratégique universel et que les entreprises et leurs dirigeants pensaient avoir presque tous les outils de management à leur disposition. Ils croyaient alors que l’application de la méthodologie, vu comme un simple complément, une couche supplémentaire, suffirait à leur réussite.

Il s’agit du design tout court ! Penser et faire ! Thinking AND Doing !

Vous ne pensez pas de la même manière lorsque, à chaque étape, vous utilisez votre cerveau droit, c’est-à-dire des techniques de représentation, plutôt que des mots (Post Its !). Vous ne produisez pas de la même façon, lorsque vous représentez vos pensées, vos idées, vos créations, vos produits et vos histoires. Vous ne produisez pas de la même façon quand vous pensez à l’expérience et aux bénéfices de toutes les  parties prenantes de votre organisation.

L’école de Management du 21ème siècle sera complètement différente, et ressemblera à et fonctionnera comme une école de design.

Elle sera multidisciplinaire et interdisciplinaire parce que le monde est complexe et multidimensionnel.

Elle réconciliera le cerveau gauche et le cerveau droit, la raison et la création, la rationalité et la sensibilité, l’équation et la représentation.

Elle sera nourrie de Sciences Humaines, pour pouvoir lire des situations de la vie humaine.

Elle sera centré sur l’être humain plutôt que sur le client ou sur l’utilisateur, parce que nous sommes plus que des utilisateurs et plus que des portefeuilles.

Elle dispensera une pédagogie sera dirigée les projets, parce que faire c’est apprendre apprentissage.

Elle sera collaborative plutôt qu’autoritaire.

En fait, les écoles de design prendront la place qu’occupent aujourd’hui les écoles de Management et d’ingénieur, car la question « Pourquoi » remplacera les questions « combien ?» et « comment ?».

Si le 19ème siècle a mis l’ingénieur à l’avant-garde d’une société nouvellement industrialisée (le « Comment »), le marketeur a régné la société de cosommation du 20ème siècle (« Combien ? »).

Il est maintenant temps de prendre soin des gens, qui se trouvent également être des clients ou des collaborateurs. Le but à atteindre est une belle vie pour chacun d’eux, et le design est le seul chemin pour adresser leurs rêves, leurs désirs et leurs projets.

Le design est la seule façon de répondre à la question « Pourquoi ?».

La seule question qu’un leader devrait avoir en tête.

* traduction d’un article publié sur le Site web du Human Capital Leadership Institute de Singapour.

Le monde est un chou Romanesco

Paru dans Les Echos.fr le 12/10/2016

Donner forme au monde.

La phrase ressemble à un slogan de campagne présidentielle autant qu’à un vœu pieux et semble relever d’un romantisme désuet et immature.

Un simple regard sur les flux continus d’images et de mots de nos chaines infos semble nous confirmer chaque jour l’impossibilité de lire, de comprendre, de piloter et encore moins de transformer un monde qui semble livré à des forces sans contrôle.

La futilité semble le disputer à la vulgarité, le simplisme à au populisme et les états semblent impuissants face à des entités pus grandes qu’eux, sans formes, sans frontières et sans états d’âme.

Et pourtant, de nombreux signes, de multiples signaux, peuvent légitimement nous donner de l’espoir. Un niveau d’éducation qui monte partout, une mortalité infantile qui régresse, des citoyens qui réclament plus de pouvoir, des alternatives à d’anciennes manières de travailler, de produire, de cultiver.

Un monde s’en va, laid parce que mourant, pendant qu’un autre surgit, tendre parce que naissant.

Un monde à mettre en forme.

Une ambition.

Et cette ambition est  de réinventer la façon dont nous vivons ensemble.

Tel est le défi auquel nous sommes confrontés au 21e siècle : celui de la complexité, de l’ouverture, des technologies, de l’émancipation.

Les réponses à ces défis sont connus : l’intelligence – à la fois individuelle et collective – la créativité, l’éducation, la culture et l’empathie.

Les acteurs en sont connus aussi : ce sont les gens, tous les gens.

Additionnez-les, et vous avez la définition littérale de ce qui est au cœur de la politique : créer les conditions d’une vie meilleure pour tous, une vie meilleure pour chacun.

Bien sûr, le monde a changé, et plus que cela, il est différent presque tous les matins.

La vitesse du changement, ainsi que sa nature, rend impératif de nous remettre en question et de changer nos façons de penser, de créer, de produire et de communiquer.

Bref, de faire du design.

Le mot « Design » vient du mot italien Disegno, ce qui signifie à la fois « Dessin » et « Dessein ». A la manière d’un Léonard de Vinci, le design réconcilie l’Art et la Science, la raison et l’imagination, le cerveau gauche et le cerveau droit, la pensée et l’action. Ces concepts, ces connaissances, et plus encore, ces attitudes, sont aujourd’hui naturellement portés par une certaine catégorie de professionnels : les designers.

Le design c’est d’abord le dessin, et plus généralement la capacité de représenter. Un designer a cette capacité fantastique d’utiliser des techniques de représentation pendant l’ensemble du processus de conception : imaginer, penser, créer, résoudre, modéliser, tester et communiquer. Parce qu’il «dessine» toujours, le designer pense d’une manière différente, d’une manière singulière.

Le design est aussi le dessein. Cela signifie que, à chaque instant, l’homme est au cœur de toute pensée, de toute création et de toute proposition d’un designer.

Car oui, le design est un humanisme.

Parce que le design est le seul chemin pour affronter la complexité et rendre le monde meilleur, il aura d’énormes implication en termes de politiques d’éducation et d’organisations humaines.

Eduquer les êtres humains à travailler pour d’autres êtres humains implique de reconcevoir tous les programmes éducatifs sur une pédagogie par projet – en sachant toujours pourquoi vous faites ce que vous faites – en mettant toujours l’homme au cœur du projet : le cerveau droit et le cerveau gauche enfin réconciliés, toutes les disciplines et toutes les connaissances sont invoquées pour contribuer à sa réussite.

Imaginez un monde où chacun agira en tant que designer, quel que soit le projet sur lequel il travaille, grand ou petit. Imaginez le monde lui-même comme un grand projet, encapsulant des projets encapsulant des projets. Tous ces projets, comme dans un hologramme, contiennent le grand projet. Tous ces projets servent le même but.

La meilleure des métaphores est le chou Romanesco, le chou fractal. Le chou Romanesco est en effet lui-même composé d’éléments qui lui ressemblent  totalement. Quel que soit le zoom que vous effectuez, vous trouverez toujours la même structure.

La révolution industrielle a divisé le processus de production en une séquence d’actions sans signification – c’est le taylorisme – et toutes les sociétés développées ont été construites, dan chacun de ses détail, au travers de ce paradigme.

Ce temps est révolu.

Notre siècle est un temps et un espace fait de projets pleins de sens, dans lesquels toutes les parties prenantes partagent consciemment et empathiquement la même intention.

Un temps Romanesco.

Designons le ensemble.

La Révolution 3D est à venir !

Réalité augmentée, Réalité virtuelle, immersion… Ces termes deviennent non seulement quotidiens, mais surtout « grand public ». Des dispositifs hier très coûteux, confinés aux labos de recherche, sont maintenant disponibles pour quelques centaines d’euros. Les média s’extasient et les superlatifs succèdent aux superlatifs.

Ceux qui s’intéressaient à ces sujets depuis longtemps pourraient s’en réjouir, en voyant enfin leur vision devenir réalité. Ils peuvent aussi, et plus encore, s’inquiéter que cette vulgarisation ne soit aussi un affadissement de la promesse.

Pour étonnantes que soient ces technologies, il faut se garder de croire qu’elles suffisent en elles-mêmes pour produire de l’innovation. Il en va en effet de ces avancées comme de celle de l’impression 3D : combien d’écoles, combien d’agences, ont investi dans des imprimantes 3D, téléchargé des têtes de Yoda, puis imprimé ces objets, pour les réimprimer une deuxième fois et probablement pas une troisième, en s’apercevant qu’il fallait avant tout concevoir des objets, les modéliser, et les rendre imprimables.

Il en va de même avec les technologies d’immersion, comme avec toute technologie de rupture, où nous sommes souvent saisis d’ivresses numériques. Si ces technologies sont pleine de promesses, elles nous invitent surtout et plus que jamais à faire du design.

Faire du design, c’est à dire à faire de la 3D un espace de pensée, un espace de création, de conception, de simulation, de narration, et surtout un espace d’expérience. Plus qu’une technologie, la 3D est un paradigme qui nécessite d’être à la fois construit et habité par un nouveau type de professionnels: des designers d’expérience 3D.

La révolution 3D est donc encore à venir, et ce sera celle du design. Il s’agit là de concevoir PAR et POUR la 3D, en faisant de la 3D l’Alpha et l’Omega d’une démarche de conception, en en faisant à la fois le contexte de la conception et le contexte de l’expérience.

De plus en plus d’expériences humaines, privées ou publiques, sérieuses ou ludiques, personnelles ou professionnelles seront des expériences immersives, passives ou interactives. Et ce sont toutes les industries qui seront demandeuses ! Le Retail, la banque, l’assurance, la finance, l’industrie lourde, seront pourvoyeuses d’expériences immersives. Les analystes de big data, les chirurgiens comme le simple consommateur en seront les bénéficiaires.

Il faudra bien que des designers les imaginent, les conçoivent, les testent et les mettent en scène. Ces designers encore à former viendront de filières de modelage et de modélisation, ils sortiront d’écoles d’ingénieurs, d’école de design, mais aussi de l’univers du jeu vidéo.

Car s’il y a bien un univers qui préfigure la prédominance d’expériences 3D, quand il ne le prophétise pas, c’est bien celui du jeu vidéo. Combien de  jeunes passionnés rêvent d’intégrer le « monde merveilleux » du jeu vidéo, avec l’espoir de concevoir un jour un grand titre, dans un univers fascinant, une mise en scène spectaculaire, et une jouabilité parfaite ? Ils sont pléthores ! Et combien réaliseront ce rêve ? Très peu. Il y a là un réel gâchis de talent qui pourrait être évité en orientant ces enthousiasmes vers un métier d’avenir comme celui de designer d’expérience 3D.

Toute technologie a vocation à nous servir et plus encore à servir le projet humaniste de l’émancipation et du vivre ensemble. La 3D n’échappe pas à la règle, et il nous faut donc former les professionnels attentifs aux vies de leurs contemporains, qui sauront faire de la virtualité et de l’augmentation du réel, des leviers d’expérience et de développements humains, et non succomber à la myopie numérique.

>>Lire ici l’article sur le Huffington post