En janvier 2017, à la demande de mon ami Nicoas BORGIS, directeur de la grande agence numérique EMAKINA, j’ai écrit cet article destiné à la revue interne de l’entreprise.
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En 9 ans, la vie de milliards d’êtres humains s’est vue totalement redéfinie dans ses rythmes, ses rites sociaux, ses pratiques professionnelles, ses consommations physiques et culturelles, ses mobilités, comme jamais dans l’histoire de l’humanité et en aussi peu de temps.
L’arrivée dans nos poches du Smartphone et de ses centaines de milliers d’application a imposé un paradigme dont nous ne nous séparerons plus, celui de la digitalisation de nos vies. Cet objet et les services qu’il porte sont devenus la condition de la possibilité de nos vies, et pire que cela, se confondent avec nos vies, tant ils en sont le réceptacle comme le spectacle.
Pas un instant que nous ne partagions avec lui, par lui et en lui. Une confusion et une intimité que nous n’avons connues avec aucun autre objet depuis que l’homme existe.
Cette confusion étant à l’œuvre, on mesure alors l’importance de la qualité de nos expériences de vie digitales, et conséquemment de leur conception. Et c’est là, de fait, que nous pouvons constater que tout reste à faire, voire que l’on peut craindre le pire.
Qui est en effet en charge de cette conception ?
La réponse est trop souvent : « des ingénieurs et des informaticiens »…
Des ingénieurs et des informaticiens qui mettent en œuvre des approches apprises à l’école, celle de la conception réglée, linéaire, qui nous apprend que le monde se met en équation, et que concevoir c’est résoudre des équations.
Une approche qui part de l’objet à produire et d’enjeux internes essentiellement techniques et fonctionnels, et non de celui qui l’utilisera, de son imaginaire, de sa culture, de son environnement, de ses rituels et de ses pratiques.
Une approche qui ignore la nature systémique, parce qu’interconnectée, de nos expériences numériques.
Comment peut-ont aborder cette complexité et cette plasticité avec des approches, des méthodologies, des pratiques d’une autre époque, celle de l’industrie lourde, du temps long, du taylorisme ? Comment espérer toucher la sensibilité et l’intelligence des hommes du XXIème siècle en ignorant ce qu’ils sont, ce qu’ils font, ce qu’ils vivent ?
Comment espérer réussir sans faire du Design ?
Car tel est l’enjeu, majeur et stratégique, pour les entreprises ! Prendre le temps d’observer autant qu’anticiper les usages, les comportements et les désirs de leur seul « asset » : leurs clients… Qui sont plus que des clients, mais des êtres humains, de plus en plus éduqués, de plus en plus exigeants, et de plus en plus outillés pour étudier, sélectionner, éliminer, choisir. Comment les séduire, comment les retenir, comment les fidéliser, si ce n’est en les comblant, donc en les comprenant.
Pas d’autre solution alors que de faire du design, au sens du XXIème siècle, c’est à dire en portant autant d’attention à la construction des questions qu’à leur réponse, en invoquant et articulant de nombreuses disciplines pour trianguler les désirs et les besoins (sciences humaines, marketing, ingénierie, techniques de représentations,…), en en animant tous les acteurs de manière créative, en se permettant de suivre toutes les pistes sans tabou, le tout en empathie totale pour tous ceux qui auront un rôle à jouer dans la proposition et la délivrance de l’expérience.
Pas d’autre solution que d’utiliser des designers !
Car ce sont eux les porteurs comme les garants de la démarche. Ce sont eux les moteurs méthodologiques et créatifs des équipes pluridisciplinaires qui concevront ces expériences. Ce sont eux que forment, patiemment et passionnément, tes écoles de design françaises et internationales.
Des « honnêtes hommes » contemporains, généreux et attentifs, talentueux et collectif, créateurs de valeur(s) durable(s), passeurs d’un monde numérique en quête de sens.
Ne vous passez pas d’eux.