L’Asie dans le rétro

(1991)

Si il y a un continent en passe d’accéder au statut de mythe dans le monde de l’informatique, c’est à coup sûr à l’Asie qu’il faut penser. Lointain, mystérieux, l’extrême orient est propice à tous les phantasmes d’un occident qui doute de lui. Main mise sur le marché des puces, clonage sauvage, offshore programming, tout semble donner raison à ces craintes. Et l’on s’interroge alors sur les raisons d’une telle montée en puissance et sur les leçons que l’Ouest peut tirer de l’observation et l’analyse de cet Est menaçant.

Il ne faudrait cependant pas que, pendant que nous nous interrogeons sur les capacités industrieuses de ces pays, nous laissions passer l’occasion, unique, rêvée, de voir en grandeur nature se dessiner rationnellement, là-bas et maintenant, l’organisation informatique de demain et ici. Car au delà de leur qualité de producteurs, ces pays et leurs entreprises sont aussi des utilisateurs, et assez différents de ceux que nous avons ici pour qu’on s’y intéresse de près.

En quarante ans d’informatisation, l’occident a certes été le pionnier des technologies de l’information, mais il en continue d’en essuyer les plâtres. Quatre (5?) générations de systèmes et de langages ont en effet suffit à stratifier organisations, cultures, comportements et investissements. De leur côté, les pays nouvellement industrialisés ont par contre commencé leur informatisation assez récemment, pendant les années 80, au moment même – et pour cause – de l’apparition du PC. De ce fait, les entreprises ont par définition investi dès le départ dans les standards, matériels comme logiciels. Leurs besoins comme leur culture sont donc aujourd’hui définitivement marqués par une pratique de l »ouverture.

Autre phénomène intéressant, les besoins de ces utilisateurs ont suivi l’évolution des PC (ou vice-versa). On voit là apparaître un mouvement typiquement asiatique (hors Japon), que je me risquerai à appeler l’UPSIZING, et qui, du petit PC-XT isolé au PC-486 musclé en réseau, amène tout droit au choix, inéluctable et naturel, de standards plus puissants tels qu’UNIX. Il faut tout particulièrement noter que cette évolution se fait là-bas sans avoir à agresser un parc de systèmes propriétaires, quasi inexistant.

A ce titre, l’Asie du sud-est est parfaitement représentative, voire emblématique, d’un marché qui se serait structuré rationnellement, et toujours à venir à l’Ouest. Mais, bien plus qu’un territoire commercial, le Far East est surtout une véritable étude du marché grandeur nature, où il y a au moins autant à apprendre qu’à vendre.

Il faut donc que tout ceux qui prétendent demain jouer un rôle majeur sur le marché mondial de l’informatique aillent impérativement jeter un regard de fond sur cette fenêtre ouverte sur leur futur que sont Singapour, Taiwan, Hong-Kong, la Malaisie ou la Thaïlande. Et qu’ils aillent chercher là-bas la confirmation, que décidément, oui, l’Asie est Unix.