L’échec est en nous ! (mais rien n’est perdu)

Echouer pour réussir ? Le paradoxe n’en est un que pour notre pays, recroquevillé qu’il est dans son refus d’une modernité qui s’est imposée ailleurs. Il ne faut pas s’y tromper, ce refus de l’échec vient de loin et ira tout aussi loin si l’on ne prend pas le problème à la racine. Nous sommes une société colbertiste, centralisée, pyramidale, qui aime les figures autoritaires, paternelles, despotiques même, qui la dédouanent de toute responsabilité, de toute prise de décision, de tout risque. « Là-Haut », quelqu’un veille sur nous et prend toutes les décisions. « Là-Haut », un Père sait, comprend, fait. Nous n’avons qu’à attendre, protégés de toutes vicissitudes, de tous dangers. Notre passivité est la condition de notre protection, sinon de notre bonheur. Essayer d’en sortir serait contre-nature, sinon péché.

Cette posture était parfaitement adaptée aux enjeux et organisations des deux premières révolutions industrielles, celles des mines de charbon, des hauts-fourneaux puis des objets massivement produits en séries, où l’objectif était de mettre en œuvre des plans quasi-militaires et où l’ordre a plus d’importance que l’initiative. Elle est par contre totalement inadaptée à une société de l’information déjà dépassée, d’une société de le connaissance aujourd’hui programmée, d’une société de l’intelligence demain inéluctable.

Et c’est bien là le problème, car nous tentons d’entrer de force dans cette société de l’intelligence avec le credo et les pratiques de celle du Charbon et de l’Acier. Nous feignons de croire qu’il suffit d’un Ministère du Redressement Productif et du volontarisme associé, là où c’est d’un profond changement d’organisation des pouvoirs, d’une redistribution de ceux-ci, de la responsabilisation à tous les étages ( c’est à dire d’une réinvention politique) dont nous avons besoin. La 5ème république, monarchie colbertiste et républicaine, est aujourd’hui le vrai carcan de nos initiatives nécessaires. Si échec il y a, c’est bien celui-là.

Passons vite en Sixième !

(Octobre 2012)

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Back to the future

On vient d’inventer l’écriture.

Seuls quelques grands prêtres maitrisent la nouvelle invention, et quelques un d’entre eux seulement ont la vision des changements radicaux qu’elle porte.

Compter, transmettre, mémoriser, acter, mais aussi prier, conter, apprendre.

Les Archontes, les monarques, les ministres, les commerçants ont fini par apprendre la nouvelle et s’enquièrent de la chose, de sa nouveauté, de sa puissance et de sa difficulté.

Ils s’entourent d’experts, d’érudits, dont seuls certains connaissent les arcanes, et d’autres croient les connaître pour avoir maladroitement tracé quelques signes sur l’argile fraiche. Les érudits décident d’étudier le phénomène, et créent des comités, pour peser le pour et le contre, identifier les dangers et les opportunités, et proposer, peut-être, de faire quelque chose.

Que faire de l’écriture ? Doit-on écrire à l’école ? Est-ce dangereux pour les enfants ? Peut-on commercer et écrire ? N’est-ce point une perte de temps ?

De ces doctes cercles sort enfin une interrogation : « Et maintenant, quelles politiques scripturales ? »…

C’est exactement la situation dans laquelle nous sommes avec le numérique et avec la question de ce débat. Le jour où l’écriture est inventée, elle porte en elle la transformation totale de toutes les organisations humaines, politiques, commerciales, guerrières, culturelles. Et la question n’est donc pas de savoir quelles politiques mettre à son service, mais comment transformer la politique par l’écriture.

Ne demandez pas ce que vous pouvez faire pour le numérique ! Mais demandez plutôt ce que le numérique peut faire pour vous !

(Juillet 2012)

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[Dé]Coder le Monde

Cela va bientôt finir par se savoir : le monde se numérise ! En tout temps, en tous lieux, des « objets » virtuels ou matériels  génèrent, exploitent, transforment, croisent des données (NOS données !) pour habiller et enrichir nos vies.

Le choix est alors simple : faut-il nonchalamment déléguer à d’autres le soin de dire lesquelles sont importantes, et comment les mettre en scène, et en fin de compte de programmer nos vies ? Ou ne faut-il pas plutôt faire le pas nécessaire pour comprendre que tout programme logiciel étant un biais, autant que celui-ci soit le nôtre ?
Car l’enjeu est bien là : prendre possession de nos vies, et donc de nos données !

Programmer ces objets et leurs comportements serait évidemment le plus sûr moyen de le faire. Au minimum, et à défaut d’être totalement les « programmeurs » de nos vie, il nous faut au moins comprendre comment d’autres les schématisent, modélisent, et éventuellement les instrumentalisent.

Ceci passe par une simple action : former dès le plus jeune âge TOUS les enfants à la programmation, quelles qu’en soient les formes. C’est le plus sûr moyen de donner à la génération qui en profitera la possibilité de (dé)coder son monde.

(Avril 2012)

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Apprendre en créant !

Est-ce que l’on apprend mieux en jouant ? Oui et de tous temps ! Cette question évacuée, il reste donc à nous pencher sur la vraie question derrière la fausse : comment apprendre différemment au XXIème siècle ?

Car s’il est bien une activité humaine qui connaît une inertie fantastique, c’est bien celle de l’éducation, dans ses institutions, ses acteurs, ses objectifs, ses modalités. Le numérique ne nous offre pas seulement l’opportunité de remettre en cause ces inerties, mais aussi de changer les termes mêmes du rapport au savoir.

Là où l’enjeu était au pire de transmettre, au mieux de partager ce savoir avec une audience, il devient aujourd’hui de le faire créer par cette audience, qui cesse au même instant d’en être une.

Les conséquences n’en sont pas seulement productives, mais plus certainement politiques car ce sont les enjeux de pouvoir et d’autorité qui sont remis en cause. Plus d’estrades, de Magisters, de protocoles, de recettes « éprouvées », de discipline en silo ! Mais une effervescence créative sans frontières disciplinaires, des hiérarchies bousculées, des initiatives individuelles reliées, de nouvelles manières de produire des connaissances, de mesurer, d ‘évaluer, de partager.

Le jeu est bien à l’œuvre, certes, mais dans ce monde ci, débarrassé – enfin – des deux voiles du passé et de l’écran.

(Aout 2011)

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