Apprendre en créant !

Est-ce que l’on apprend mieux en jouant ? Oui et de tous temps ! Cette question évacuée, il reste donc à nous pencher sur la vraie question derrière la fausse : comment apprendre différemment au XXIème siècle ?

Car s’il est bien une activité humaine qui connaît une inertie fantastique, c’est bien celle de l’éducation, dans ses institutions, ses acteurs, ses objectifs, ses modalités. Le numérique ne nous offre pas seulement l’opportunité de remettre en cause ces inerties, mais aussi de changer les termes mêmes du rapport au savoir.

Là où l’enjeu était au pire de transmettre, au mieux de partager ce savoir avec une audience, il devient aujourd’hui de le faire créer par cette audience, qui cesse au même instant d’en être une.

Les conséquences n’en sont pas seulement productives, mais plus certainement politiques car ce sont les enjeux de pouvoir et d’autorité qui sont remis en cause. Plus d’estrades, de Magisters, de protocoles, de recettes « éprouvées », de discipline en silo ! Mais une effervescence créative sans frontières disciplinaires, des hiérarchies bousculées, des initiatives individuelles reliées, de nouvelles manières de produire des connaissances, de mesurer, d ‘évaluer, de partager.

Le jeu est bien à l’œuvre, certes, mais dans ce monde ci, débarrassé – enfin – des deux voiles du passé et de l’écran.

(Aout 2011)

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Ad Codex Aeternam

Jamais dans son histoire, l’humanité n‘a autant écrit, publié et lu qu’aujourd’hui.
Jamais les média mis à sa disposition n’ont été aussi nombreux, flexibles, appropriables.
D’appropriables à appropriés, il n’y a qu’un pas sémantique que je franchis sans réserve.

Si l’idée d’un livre universel dans sa forme est sans doute mise à mal par son incontournable avatar numérique, elle renforce celle de la diversité des supports, dans laquelle le Codex sort paradoxalement renforcé.

Si de très nombreux types de contenus et situations humaines appellent l’usage de nos fameuses tablettes et autres e-book, d’autres vont pouvoir exploiter pour notre plus grand bonheur cet objet incomparable formé d’une couverture et de feuilles imprimées, mais aussi de colle, d’odeur, de textures, d’expériences sensorielles.

Plus qu’un contenant durable, et plus que son contenu, le codex est surtout un objet d’expériences, souvent fondatrices de nos personnalités et de nos existences.
Alors que certains écrits seront exploités – c’est le mot – sur de nouveaux supports, ceux avec lesquels nous entretenons une relation d’étonnement, d’attachement, et d’amour porteront en gloire un Codex immortel.

(Janvier 2011)

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Six point zéro

Gouverner c’est anticiper : voilà une proposition systématiquement démentie, ici, depuis que les NTIC ont irriguée le monde.

Manquant singulièrement de culture en la matière (« mais qu’appelez-vous une souris mademoiselle ? »), notre classe politique hexagonale n’a jamais compris les enjeux des TIC, et a en tout cas une énorme difficulté à les intégrer.

La raison en est simple : nos institutions – pyramidales, centralisées, hiérarchisées, propices au contrôle a priori – sont en complète contradiction avec l’internet vu comme un nouvel horizon organisationnel et politique : réticulé, sans centre, sans périphérie, propice à la prise d’initiative.

Toute tentative d’E-gouvernement qui viendrait se plaquer sur de telles institutions est comme un emplâtre sur une jambe de bois : inutile, contradictoire, inefficace.

Comme d’habitude, les NTIC ne sont pas magiques, et ne nous dédouanent de la nécessité de l’action.

En tirer tout le parti nous oblige à mettre en phase nos pratiques et nos institutions, et à passer simplement et rapidement à la République 6.0.

(Octobre 2010)

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Sur un petit nuage

Pour ceux qui ont un peu de mémoire informatique, Il est toujours amusant de voir combien certains sont prompts a s’émerveiller de concepts anciens au motif qu’ils ont un nouveau nom.

Le Cloud Computing, après tout, ne fait que réinventer l’informatique distribuée, dont Sun fut un temps le champion avec son « the computer is the network ». Et le programme SETI ne faisait-il pas du Cloud Computing, avant même qu’on en invente le nom ?

Si l’interconnexion des ordinateurs au travers d’un réseau mondial donne une nouvelle jeunesse « marketing » à une ancienne réalité, elle masque la montée en puissance d’une réalité plus étrange et Ô combien plus structurante, à savoir que le vrai nuage est celui des objets.

Ubimedia, informatique ambiante, internet des objets : quel qu’en soit le terme, c’est cette révolution là qu’il s’agit de penser, de créer, d’accompagner. Quand l’environnement humain sera le témoin et l’assistant permanent de nos actions, de nos désirs, et pourquoi pas de nos pensées, nous serons confrontés à d’autres questions que de savoir où Diable se cache la puissance et les données du service nous utilisons. C’est juste la nature du monde qui aura changé.

(Juin 2010)

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Quand les théières cafteront…

Après avoir été un espace de liberté sans pareil, le web pourrait donc devenir le lieu de toutes les surveillances. Celles de nos goûts, nos opinions, nos amitiés et nos vagabondages. Il y a des raisons de craindre que l’écran ne se transforme en œil, si le régulateur s’y engouffre, ou pire encore, l’ignore au profit des marques et des officines.

Le plus grand des dangers, pourtant, ne vient pas de l’écran, et de ceux qui s’y cachent. Le danger potentiel, c’est l’objet. Longtemps, l’espace de l’homme s’est défini et construit par et autour d’objet matériels. Outils, machines, décorations, meubles peuplaient et construisaient à la fois nos espaces de vie, qui nous protégeaient. C’en pourrait être fini.

Que devient cette protection quand tous ces objets communiquent et collaborent dans un réseau qui les rend visibles, et partant, nous avec ? Quelle belle et magique promesse pourtant que de pouvoir vivre entouré d’objets attentionnés ! Dotés d’intelligence, percevant nos besoins et les satisfaisant, ces objets en réseau peuvent aussi se transformer en un système bavard et dénonciateur.

La technologie ne nous sera d’aucune aide, pour empêcher les objets de cafter. Seul le régulateur a les moyens, par la loi et les normes, d’empêcher qu’ils ne nous espionnent, et que métamorphosés ils continuent ainsi de mieux nous servir, mais en toute discrétion.

(Avril 2010)

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Du contenu, des contenants…

Il y a une tendance naturelle chez l’humain à projeter sur l’avenir sa vision du passé, et les films de SF des années 50 où les ordinateurs rêvés et clignotants de « l’an 2000 » avalent des cartes perforées nous le rappellent de manière savoureuse. Je ne voudrais pas que cela soit le cas des contenus numériques.

Le numérique sera la grande affaire du Grand Emprunt, et dans le numérique, les fameux contenus en seront la substance. J’ai bien peur qu’encore une fois les « décideurs » ne soient capables de ne financer que ce qu’ils connaissent, donc ce qui les rassurent, et ne laissent alors de côté ce qui fera les richesses de demain, que d’autres moissonneront à notre place, après les avoir fait croître.

Il y a une forme d’hypnotisme en matière de contenus à ne les considérer que comme immatériels : Des jeux vidéo – qu’ils soient sérieux ou futiles – des e-books aux e-shopping, de Second Life à la réalité augmentée  – la virtualité serait le seul et ultime horizon digital. Nous pensons radicalement, qu’au contraire, les enjeux du numérique se trouvent dans le monde matériel, dans la corporalité, dans la sensualité.

La promesse du numérique n’est pas derrière l’écran, elle est dans l’objet. En le réinvestissant, la combinaison « I.A + Télécom + Nano » nous permet de rêver un monde d’objets intelligents, interconnectés, porteurs d’expériences autant que de services et de fonctions. Il nous faut donc investir dans ces objets robotisés, ces « Robjets », qui seront alors paradoxalement des contenus autant que des contenants. Comme le message était le médium, le contenu sera le contenant.

(Mars 2010)

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Numérisons l’éducation

Education au numérique ! La question semble si simple… Mais de quoi parle-t-on ? Et de qui parle-t-on ? « Numérique » est devenu un mot passe-partout et à ce titre détestable. Parle-t-on d’une matière faite  de 0 et de 1 ? Parle-t-on d’outils, mais si divers, entre un environnement de programmation, un logiciel de CAO, et un traitement de texte, que l’on voit mal comment en parler de manière universelle ? Parle-t-on d’applications, (avec le même commentaire) ? Où ne s’agit-il pas plutôt d’enjeux, éthiques, sociétaux, économiques et politiques !

Et qui doit-on éduquer ? Une jeunesse quotidiennement au contact des objets numériques, ou des Paby Boomers régulièrement déphasés ? Les « gens », ou une classe politique dont la pensée, la pratique, les tics (sans jeu de mots) sont encore ancrés dans le siècle dernier, quand ce n’est pas dans le précédent ?

Avant l’éducation au « numérique », c’est la question de l’éducation tout court qui est d’une brulante actualité, et dans cette perspective, l’usage massif des outils numériques pour satisfaire cette ardente nécessité. Les enjeux de l’éducation ne changent pas parce que le monde se numérise, mais la numérisation doit permettre de les relever plus efficacement,  plus massivement, plus créativement.

Avant d’éduquer au numérique, il nous faut numériser l’éducation.

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