La Rubrique-à-Brac

Ou « Accroches toi au pinceau, je retire l’échelle !! »

Prenez un journal destiné à la jeunesse. Versez-y une pinte d’humour juif New-Yorkais qui aurait fait un détour par Paris. Rajoutez une dose de délire permanent, allongée d’un bon verre de dérision. Y adjoindre 8 cuillerées à soupe d’eclectisme, puis versez-y un trait de Génie. Agitez fortement et dans tous les sens (y compris le nonsense) et servez toutes les semaines. Vous obtiendrez alors un cocktail explosif : « La Rubrique-à-Brac » de Marcel Gotlib, dont s’est abreuvée jusqu’à plus soif toute une génération de bambins adultes entre la fin des années 60 et le début des années 70.

D’abord sous l’aile protectrice de Goscinny -le papa-poule de la BD francophone moderne- Gotlib a très vite pris son autonomie pour créer ce qui reste un cas à part et vénéré de la période du grand Pilote. Comme son nom l’indique, la Rubrique-à-Brac est l’endroit privilégié où l’auteur donne libre cours à son imagination créatrice et à son humour dévastateur (drôle de mélange, non ?). Armé d’un graphisme dynamique et précis, Gotlib s’attaque à tous les sujets en les abordant par le biais de l’absurde sans limite. Mais La Rubrique-à-Brac n’a en fait rien d’un Bazar. Et comme d’habitude, des thèmes récurrents (qui reviennent ! Pas qui lavent !), des personnages, vont systématiquement être traités dans la RAB, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs complices.

Premièrement, il faut rendre à Gotlib ce qui appartient à Marcel. En effet, des révisionnistes essayent de nous faire croire qu’Isaac NEWTON aurait été un personnage historique ayant vécu au 17ème Siècle, et toutes sortes de fariboles. Il n’en est rien ! Isaac NEWTON a été créé par Gotlib, qui a donc aussi inventé ce gag formidable (j’en pleure d’ailleurs rien que d’y penser) de la fameuse pomme : « Isaac Newton, passant sous un pommier reçut une pomme sur la tête et en conçut un truc invraisemblable, la Th »orie de la Gravitation Universelle « . Ce comique de situation va être décliné Ö l’infini par Gotlib. Le pauvre savant va se ramasser les objets les plus divers sur son auguste (comme le clown) tête : un pélican,  un hippopotame, une enclume, un petit pois etc … A noter que le petit pois n’a donné naissance à aucune théorie (trop petit mon ami). L’oeuvre de Gotlib a d’ailleurs été reconnue à sa juste grandeur, puisque Newton est le seul personnage de BD à être cité dans le Larousse (vous pouvez vérifier !).

Secundo : La Coccinelle. Ce petit insecte est apparu par hasard, au mileu d’une RAB racontant une nouvelle version de la Cigale et la Fourmi, et dans laquelle il commentait (le plus souvent par gestes) le déroulement de l’histoire. La grande idée de Gotlib est de faire apparaitre cet insolent insecte comme un commentateur indépendant, égaré dans la BD et que l’auteur ne maîtrise pas. A partir de ce moment, la RAB va être hantée par cette Coccinelle, qui est l’expression explicite du second degrés dont se nourrit l’Oeuvre de Gotlib (intellectuel !!!). Et c’est avec un plaisir sans cesse renouvelé que les lecteurs en état de manque attendent cet animalcule aux détours des cases de la RAB.

Tiga : Le professeur BURP. J’ai déjà parlé de ce personnage innÇnarrable (et pourtant on en parle), qui est à la zoologie ce que la mèche est au pétard. Sous couvert de didactisme très année 50 (Ah ! les belles histoires de l’Oncle Paul), le professeur BURP nous assène d’incroyables leçons de choses sur les animaux les plus divers (un cirque divers quoi !). Les mystères de Mère Nature nous sont ainsi révélés sous des jours les plus inattendus, et nos fous rires s’étant éteints, nous pouvons alors nous interroger sur notre place dans l’Univers (qui est juste en haut, près de la sortie). Il va sans dire, qu’Isaac Newton fait souvent les frais de ces leçons, auxquelles assiste, incrédule, une coccinelle spectatrice et critique.

Fourth : Le Commissaire BOUGRET et l’inspecteur CHAROLLES. Ces deux héros sont des caricatures tendres de personnages classiques des séries B policières françaises. Le Commissaire Bougret (son nom est la contraction de Bourrel et Maigret, deux commissaires célèbres) est chargé, suivant un scénario quasi immuable et bourré de clichés, de découvrir l’assassin d’un crime. Les deux suspects sont toujours les mêmes, et l’assassin est aussi invariablement le même. L’inspecteur CHAROLLES est un second permanent, admiratif devant la force de déduction de son chef. Ces déductions sont le plus souvent tortueuses et délirantes, quoique efficaces. Le thème va être par définition exploité jusqu’à la corde (comme ces séries lÖ le sont toujours) et nous aurons eu aussi droit à une version à la Sherlock Holmes. A noter que Gotlib se représente lui-même sous les traits de l’Inspecteur Charolles alors que d’autres acolytes du journal Pilote incarnent les autres personnages.

Quinto : La Mégalomanie : Gotlib aime se dessiner dans ces petites cases. Mis à part son incarnation de l’Inspecteur Charolles, nous avons aussi droit à des descriptions de l’ensemble de ses états d’âme ou de son histoire personnelle. Certes le ton employé est celui de l’autodérision, mais Gotlib s’aime visiblement beaucoup et nous le fait savoir. C’est quand même incroyable ces types qui mettent leur nom partout !

Der Sechste : le Cinéma : Gotlib est un cinéphile (sinon un cinéaste refoulé) qui nous parle de cinéma, à travers des remakes satiriques de films célèbres par exemple. Ainsi en va-t-il de la relecture des Choses de la Vie, film où un homme revoit toute sa vie en quelques secondes pendant un accident de voiture. Mais ici, Out l’accident ! Bonjour la Savonnette Tueuse ! A côté de ces remakes, Gotlib aime aussi à décortiquer la technique cinématographique, et à nous en montrer les ficelles et le clichés, en les outrant et les détournant systématiquement.

(Euh ! Après Six, c’est, euh … Sept ! Ah Ouais Sept …) : Les Contes et Légendes : Gotlib est un enfant qui a aimé les belles histoires du temps jadis, et qui s’amuse donc aujourd’hui à les détourner. Le Petit Poucet par exemple, est bien plus futé que ça, puisque après le coup des petits cailloux, et des morceaux de pains, il sèmera à tout vent, des oiseaux, des boulons de huit ou des enclumes ! On apprend aussi dans la RAB que Pinocchio avait un précurseur dénommé Pinokenstein, sorte de marionnette monstrueuse, fort portée sur l’alcool et les jolies femmes.

Sur l’acte de naissance de Gotlib, le nom du père est très certainement Groucho MARX (le seul, le bon, le vrai Marx) et son parrain Tex AVERY. Comme ces deux illustres prédécesseurs, Gotlib est un iconoclaste (un briseur d’image, nous apprend le petit Robert, qui va très bien merci) qui nous apprend à rire de tout, et qui cherche donc à illustrer cette belle maxime, qui est gravée au frontispice du Panthéon des Artistes du Neuvième Art (8 Avenue Georges Remi, Paris XXème, entrée 10 FF, ouvert entre 10h du Matin et 5h de l’après-midi, gratuit pour les militaires) : Je Ris, Donc Je Suis.

Au revoir les petits Amis ! La semaine prochaine, je vous parlerai de la culture des radis albinos en Haute-Volta Septentrionale.

 

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